mardi 14 décembre 2010

Nouveau blog!

Prosperecock.wordpress.com

vendredi 5 novembre 2010

A force d'attendre on invite le diable

Chère Ange transatlantique,
C’était cette journée d’un de ces hiers. C’était cet octobre. Cet octobre. C’était quelque chose que ce moment. Nous baignions dans l’aube d’un peut-être par une soirée de campagne pour toi, par un midi de feuilles d’érables pour moi. Marionnettes modernes d’un dieu géant ! Géant avec des mains comme des continents. Dieu qu’on est en pensée. Dieu qu’on est partout où on est deux.
Montréal pleurait sa plus belle saison et ses filles sans culottes. La ville se changeait, se faisait belle.
Un peu plus tard tu me parlais. Un arbre jaune en avait des frissons pour moi. Le ciel était haut et moutonné de nuages. Le vent était un berger, le froid son chien. J’avais les yeux éclaboussé de zénith. Une brume blonde déposait son voile. Tu me demandais comment j’allais. Pétards et guitares à mèches survoltées d’ondes.
Karma de bombe.
Invitation sans faire part de tout.
Domino vespéral

Marionnettes modernes ou âmes soeurs par procuration

Pluie de feuilles et Erable rouge, Ciel haut et Nuage mouton, Ivre froid, Gifle Vent et Journée d’hier. Cervelle sèche et Brume de blonde, Pétards et Guitares à mèches emmêlées d’ondes. Karma de bombe tactile.
Pleur de saison et Fille sans maquillage, Ordinateur masqué. Piano du monde, Clavier de l’espace. Tâtons virtuels et Temps-partiel. Chakras, voyageurs invisibles.
Cyber papilles et Pupilles pixels. Chaman de l’internet sans fil. L’intérêt des filles. Marionnette terrible à côté de Marionnette sensible. Marionnette sans cil regarde Marionnette sans fil.
Journée d’hier, Après hier, Journée fragile, Présent passé, Futur proche, Promenade de l’âme, Rêve insensé, Drôle d’accroche, D’un continent à une dame, Pourquoi pas, Traversée sensible.
Ange transatlantique et Domino vespéral/De combien de nuits se souviendra-t-on ?

Elle avait bon goût

Elle avait le goût de passé et de pas assez. Le goût d’opiacée. Elle avait le goût de pêcher. Le goût de se frotter, mordre et lécher. Elle avait le goût de prune et de brume. Elle avait le goût d’être brune. Elle avait le goût de perfusion à la morphine. Le goût imagine-passion. Elle avait le goût d’un rêve flou qui s’écharpe et ronge. Le goût fou qui s’échappe des songes. Elle avait le goût de l’horizon et de l’océan. Le goût d’horizon et d’océan. Elle avait le goût de l’un dans l’autre et de l’un sans l’autre. Le goût de l’un et l’autre. Elle avait le goût de la mer en hiver. Le goût du décalage horaire. Elle avait le goût de boomerang perdu. Le goût de ma langue déchue.

lundi 1 novembre 2010

La légende d'Isidore

Tant d’essais, tant d’échecs !

Et dire que ça n’avait rien avoir avec le hasard, ni même ma volonté, d’ailleurs.
Le destin !
Une seule mort nous est destinée.

On dit que la mort vit grâce à nous.
Mais, au regard de ma vie, je dirais plutôt qu’elle se crève au boulot.
Avec un emploi du temps plus que chargé, sans parler des faussaires, ceux qui essayent sans cesse de désordonner le grand agenda.

Non vraiment ! Elle sait ce qu’elle fait !

On ne trompe pas la mort ! J’aurais dû le savoir !

Au lieu d’essayer de vivre ! Tout bêtement, comme tout le monde.

Tout ça à cause des autres ! Ah les autres ! Quelle illusion ! Quelle illusion de soi !

Mon histoire en est le parfait exemple…

Issu d’une portée de cinq magnifiques chatons chartreux de la noble origine de St-Malot en Bretagne, je précise. Toutes les portes des concours de beauté devaient s’ouvrir à mes grands yeux orange comme toutes les mains des plus grands amateurs auraient rêvé d’effleurer mon doux pelage gris. Mais le destin en avait décidé autrement.

Au bout d’un mois d’existence, une tache blanche, une imperfection comme le stipulait mon dossier, apparaissait au creux de ma gorge faisant de moi un bâtard qu’on s’empressa de vendre. Concepts qui pour moi restent flous.

Adieu les concours, la foule ébahie devant ma beauté, le respect, la gloire ; et bonjour la morne et plate vie de chat de banlieue.

Quoique j’exagère peut-être ? Mes nouveaux adorateurs avaient quand même quelque fascination pour moi. Du moins c’est ce que j’ai cru à force de Sheba au saumon, au canard et autres mets délectables. Jusqu’au jour malheureux où je m’aperçu de la supercherie. Tout ceci visait à endormir ma méfiance. Endormir le mot est juste car quel réveil ce fût lorsque je découvris ou plutôt que je ne découvris rien car il n’y avait plus rien à découvrir entre… entre… entre mes pattes arrières. De nouveau, je ne saisis pas très bien le pourquoi ? Mais je tiens la jalousie de la femme humaine pour responsable de cette trahison.

Mes fiers attributs envolés, mon histoire prît une autre tournure.
C’est même là que commence ma véritable histoire, dans mon jardin.
Le maître de mes infidèles avait fait de ce jardin un véritable petit paradis, sans doute pour se faire pardonner. Un étang carré au bord de la terrasse offrait de varier et d’enrichir la faune locale de carpes japonaises, de grenouilles, libellules et toute une sorte d’insectes marrants qui fluorescent dans le noir. Un cognassier surplombait les plantes aquatiques et portait dans ses branches des bougies aériennes que l’eau copiait étrangement. Ces énormes flammes rouge se retrouvaient un peu partout dans les arbres et ponctuaient les chemins qui partaient de la terrasse et faisaient le tour de la maison. J’aimais les nuits un peu plus froides où je pouvais rester sur la table de la terrasse, en dessous de la vigne à côté d’une immense flamme bleue sous verre. Je pouvais ainsi observer les fleurs s’endormirent, les nénuphars se recroqueviller, sentir l’air se libérer de tous les parfums diurnes et goûter la libre tranquillité de la nuit au coin du feu. Le vent soufflait sur la fleur bleue qui dansait et projetait mon ombre démesurée à travers tout le jardin. Je régnais le soir, des flammes dans les yeux, tel un seigneur obscur à travers les feux de ce qui allait devenir mon enfer. Le jour, je déambulais dans le grand gazon, rôdais dans les haies et marquais mon territoire quotidiennement. J’enquêtais sur mes voisins et voisines à travers le lierre. Je repérais les autres chats du pommier et contemplais les oiseaux dans le chêne. Je méditais auprès de l’arbre où les fruits poussent dans des bouteilles. Je rêvais auprès de l’arbre odorant dont le jeune idolâtre fumait les pousses à sa terrasse personnelle sur le versant est de la villa. C’est dans cette nature domptée de manière surréaliste que je fis mes premières rencontres du sexe féminin, dans cet immense lieu de dévergondage où les chattes abondaient par dizaines. Elles voulaient toutes faire la connaissance du roi de cette cour où j’espérais un miracle. Un roi déchu. Un chartreux châtré.
Malgré tout le désir subsistait. La grande époque du droit de cuissage. Que de courtisanes déchaînées à la pleine lune! La chatte du voisin, de la voisine, la petite perdue… Que de reines d’un soir ! Que de princesses du sud épuisées ! Que de convoitise déchue !
Je m’adonnais à toutes mes envies : félines, grandes, minces, petites énergiques, vieilles expérimentées, jeunes, pucelles. Il n’y avait pas un recoin du jardin, pas un buis, pas une jacinthe qui n’avait pas entrevu l’énergie de mon désespoir. Avec une petite préférence pour les fragrances du Rhododendron. Casanova du quartier Est de Waterloo Faubourg, il fallu peu de temps pour qu’on me choisisse un nouveau surnom : Jet 0, qui visait précisément à se moquer de mon impuissance, mon incapacité à engrosser. Je n’attirai dorénavant plus que les coquines soucieuses de ne pas tomber en cloque. Une sorte de gigolo que les autres mâles dénigraient. Je n’étais plus un fier roi au sommet de sa cour. J’étais devenu la curiosité d’un jardin de passe qui sans l’intervention de mes gardiens auraient été envahi par les envieux.

Ce fût ma première tentative de suicide : du haut d’un cèdre de onze mètres. Un saut qui devait m’inscrire dans les anales des valeureux félidés. Une chute qui aurait symbolisé l’ascension. Ils auraient dit : « Il a osé ! », « Quelle belle mort ! ». Elles auraient dit : « Il était agile ! », « Il était valeureux ! ». Le mythe d’Isidore ! Célèbre comme les chats d’Egypte ou comme le chat de Céline… Au lieu de ça mon indécision m’amena les pompiers. Nouvelle risée !

Je ne suis plus sorti pendant un mois. Un mois à éviter les fenêtres, un mois à me goinfrer. Je grossissais à vue d’œil.
Tout se déroulait comme dans mon plan ! Lorsque j’atteins le poids notable de 7kg500, j’estimai qu’il était temps de passer à l’action.
Plan B, alias l’étang. Il suffisait de s’y laisser couler. L’idée m’était venue lorsqu’on m’avait honteusement trimbalé dans une cage verte fluorescente la nuit et transparente le jour jusqu’à la famille de mes maîtres. Je ne m’attarderais pas à faire la critique de ce moyen de transport tant l’amertume brûle encore mes babines. Soit ! Arrivé chez la famille, je dû faire la connaissance d’une jeune chatte grise et blanche que ses maîtres avaient appelé Patchouli bien qu’elle sente très bon et de son stupide compagnon cocker prénommé Ulysse qui n’empruntait visiblement que le nom du héro. C’est en sirotant un petit lait whiskas dont j’espérais qu’ils fassent la recommandation à mes maîtres que l’anti héro canin en manque d’attention sans doute se jeta dans la piscine. La grâce de l’intelligence ne s’étant apparemment pas attardé sur son sort, il pataugeait misérablement dans la bâche de la piscine qu’il n’avait, disons, pas prise en compte.

Cette fois, je ne lésinai plus, d’ailleurs il n’y avait plus du tout de quoi admirer mon reflet, j’agis et me jetais à l’eau. La suite est moins crédible mais pourtant véridique, un héron me confondit avec une des carpes. Un avis de recherche fût lancé par mes adorateurs et de nouveau les pompiers me récupérèrent, cette fois, dans un nid d’hérons.
J’atteignis dés lors des niveaux de honte, jamais égalés.

Après ça, mes humains crurent bon de m’emmener à l’écart et je les en remercie.
Un mois dans les Ardennes belges ! La campagne, quelle belle contrée ! Si vaste et exempte de tous préjugés. La terre promise ! Avec ses vaches, ses superbes champs, ses bois, ses fermiers si doux qui laissaient toujours traîner devant leur façade une gamelle de lait.
Une nouvelle vie s’ouvrait à moi.
Le rêve atteint l’apothéose lorsque je rencontrai Jules, un persan au long poil fin, toujours propre et bien peigné, toilette impeccable. Nous eurent de merveilleux moments ensembles, à l’ombre des saules pleureurs, à la poursuite du gibier et caetera et caetera… et puis nos discussions ! Quel langage châtié ! J’étais charmé ! J’étais ivre de cet Eden avec lui ! Quel beau pays que l’état d’ébriété !
C’était un véritable hédoniste au corps parfait, à la logique décadente, sorte de charabia dans lequel il mélangeait des petits riens à l’absolu, ne se souciant que de ce qui pouvait améliorer son sort ou sa toilette. Il ne se souciait guère de mon handicap de procréation et au contraire paraissait aimer ma compensation créatrice et artistique. Il m’aiguillait sur des pistes épicuriennes, m’enseignait l’arte du farniente, m’initiait aux coups fourrés qui étaient d’après lui les seuls efforts dignes de ce nom. Sous ses airs aristocratiques somnolait, le vagabond, le ninchat comme je l’appelais. Il espionnait, pistait, volait, chahutait des troupeaux entiers, dormait à la belle étoile, citait Geluck, Garfield et d’autres humoristes car la philosophie l’ennuyait. Il m’apprit énormément sur les hommes et sur leur histoire. Il connaissait la campagne comme sa gamelle et me fit découvrir des animaux dont je n’avais même pas la connaissance, des odeurs de résine si enchanteresses que je faillis défaillir. Jules était l’aventure ! Jules était l’aventure de ma vie ! Mon aventure !
J’étais raid dingue de lui, je buvais chacune de ses paroles jusqu’au jour où il n’avala pas ma déclaration d’amour…
Nous nous ignorâmes dans les derniers instants de mon séjour champêtre.
Je vécu très mal cette déchirure ainsi que mes nouvelles aspirations libérales qui semblaient détoner avec celles de cette fichue campagne conformiste.

Revenu à la ville, désormais gai et toujours autant suicidaire, d’ailleurs plusieurs tentatives d’être écrasé échouèrent. Je fini par espérer que mes conceptions sexuelles aient plus de chances, ici. En effet quelques jouissances me firent presque oublier l’herbe à chat. Mais tout aboutit à une exclusion définitive de mon propre jardin.

Voilà la dernière partie de ma vie se déroule devant la télévision où je digérais passivement la science de mes servants comme les appelait Jules. Enfermé dans ma solitude lorsqu’elle était éteinte, je rêvais de faire de la pub, d’être un acteur ou mieux un artiste qu’on écouterait, j’en profiterais pour théoriser mes conceptions de l’amour libre…
Je crois que du jour où les concours de beauté furent mis hors de ma portée je n’ai fait qu’envier la célébrité.

Encore occupé à penser aux autres, ou plutôt à moi mais dans le regard des autres au lieu d’affronter ma solitude ou bien de l’aimer comme un aventurier, un pionnier ou simplement un penseur.
Bientôt érudit de la science de mes maîtres, je ne pouvais m’empêcher d’imaginer ce que les autres rataient à ne pas me côtoyer. Tant de choses à leur apprendre. On aurait fini par m’apprécier. Pd mais sage, un peu comme ces savants grecs de l’Antiquité. On m’aurait consulté pour les affaires publiques. Jules, nous aurions enfin pu dialoguer au même niveau. Bref ! C’est ici que ma vie s’achève, avec la télé.

La télé a été la seule à me rendre mon admiration, elle fît de mes esclaves des riches affranchis et de moi un martyr incompris. Que rêver de mieux ?
Le procès du chat au four à micro-ondes fît le tour du monde.
Il faut reconnaître ça de juste à la grande faucheuse, elle vous trouve la mort adéquate.
A chacun sa mort ! Quel génie ! La mienne fût médiatique ! Merci ! Ma recherche de la célébrité allié à mon désir de mort, les deux en un, je vois ça comme la consécration des actes de mes fidèles. Ces impensables créatures m’offrirent en sacrifice à moi-même. Ils avaient définitivement tout compris. Et puis quelle sophistication, c’est autre chose que de tomber d’un arbre. Me faire exploser, ça c’est vraiment moderne, j’adore, ça me donne un petit côté super nova, c’est tout moi.
Excellent ! Bravo ! Merci !

samedi 2 octobre 2010

Au milieu

Au milieu…


Au milieu, l’eau turquoise, une plume pour barque
Le canot dérive, les berges invisibles.
La plume sous la brise, l’amour sur le qui-vive,
Deux regards se croisent, la pluie fait clap clap clap.

Au milieu de l’essence, un mégot pour radeau
Le ciel durcit, intempéries dans les esprits
Le lac paraît petit, l’embarcation finie.
Peut-être la malchance, l’orage allume le bateau.


Au milieu du monde, passion et incompréhension
Sentiments naufragés, et facéties du temps
chavirent attachés, voyagent tels des amants.
Des gens, en ronde, aiment parce que c’est bon.


Au milieu de ma cervelle, une étincelle,
Allume mes espoirs de se revoir.
Deviens toujours comme l’onix, et sois ma soeur à jamais
Si l’amour est phénix, il meurt et renaît.

vendredi 1 octobre 2010

Inspiration aspirine

Mal aux cheveux, gueule de bois, la gueule de mon foie. Poignet douloureux. Cachet de boîte. Boîte à soûls. Etranges trous noirs, puits sans souvenirs, pluie sans sourire, rien de beau aujourd’hui, si ce n’est mon trench coat. Ma vie de papier est toute mouillée. Origami raplapla. Monogamie avec l’ennui, polygame des yeux, poly cames, les cieux. Lendemain déchantant et désenchanté. Encore un. Le jour me boude, jaloux de mes nuits. Je me Shéhérazade. Des centaines de nuit déjà. Dans mon compte, entre le miroir et l’étoile. Entre spéculations et considérations. Entre Narcisse et Icare. Tomber de haut ou pas. Au fond de la flotte quoi qu’il en soit.

Melusine

Femme qui vit, ma flamme sur le qui-vive, mon âme sur le quai file des oiseaux noirs aux grandes ailes sombres aux vinyles d’ailleurs, télé transportés électroniquement d’un rire à une toux. Lumières tamisées, gorge immense, bière belle gueule, et rhum température ambiante à venir, lèvres pulpeuses. Jeans serré, accent du bord du fleuve et des hivers froids, Chuchotements et explosions sonores de sa bouche, malade à tuer. Melissima mia melusina !

jeudi 30 septembre 2010

La veille de notre rencontre

Les histoires ne choisissent pas leur début.
Pas plus que la foudre ne choisit d’électriser la nuit
Dans sa robe bleue étoilée à la fois trop courte
Et trop longue que pour aimer mille pluies.

Comme une sortie de route,
Se juger soi-même, les souliers dans le caniveau.
Se rendre compte que sa vie est un mariage blanc.
Avoir pour maîtresse la rue et y gâcher sa mémoire,
Le long des trottoirs.

Hasardeux comme le destin quand il ne veut pas qu’on le reconnaisse.
Ce n’est pas pour rien que les hôpitaux sont couleur neige.
Et que les trônes de Chine brillent à rendre aveugle.
Ah la vie ! Sous ses airs d’accident …

Pourtant belle comme une migration de dauphins
Qui nage à la rencontre de sa réalité
traverse l’écume des vagues froides
et fait jaillir des éclats d’or pur, sous le soleil.

Sans temps

Le jockey termine sa course, dans une forêt giboyeuse comme le rêve, où une femme oublie le couple qu'elle était, dans le soleil déclinant.
L'or fin qui était autre fois la sève de ses veines est devenu pétrole, pollué par l'industrie de ses pensées.

Une déchirure l'avait emmenée en mer, elle et lui, l'amiral de son cœur, l'ombre de sa volonté, l'illusion de son bonheur, le marionnettiste de ses désirs, qu'elle embrassait avec toute la douceur de ses lèvres roses.

Ses sanglots sur l'amour et le sang de la mort traversent comme une fausse lumière l'occident de son corps tandis qu'elle cherche, insensée, un jumeau plus honnête au hasard dans le miroir de l'existence.

Dans le clair-obscur de la vie, elle avance à tâtons
juste habillée de sa chaire laiteuse vers la faune inconnue
les pierres autour d'elle sont autant de colliers précieux que son imaginaire s'apprête à lui offrir
Dans le son du pendule, elle voit l'éclat des éperons ceux de son chevalier qui lui amène l'aile pour sonner le glas de sa rêvolution et voler la vie à la mort.

mardi 28 septembre 2010

Je crois donc j'espère

Je crois qu’elle est brune, avec des cheveux longs, le plus long possible. Légèrement ondulés. Un nez fort, un teint, une fois pâle, une fois dorée, mais toujours un peu bronzée. Des petits seins comme des joues souriantes. Un sourire qui rappelle ses yeux et vice versa. Il n’y aurait rien de trop mais pas assez non plus. On ne pourrait jamais en être écœuré mais on n’en aurait jamais assez non plus. Ce manque, ce serait l’amour parce qu’elle sait aimer. Il y aurait toujours de la place. Elle serait toujours la même mais il y aurait toujours du neuf. Son visage serait aussi doué que le ciel pour montrer ses émotions. Son front et ses joues parleraient de l’horizon, ses yeux de ses nuages, de la lune et du soleil. Sa bouche mentirait de temps en temps pour que ses yeux n’aient pas à le faire. Ses yeux auraient plus d’intimité que la profondeur d’un lac au Canada. Ses yeux m’embrasseraient et je m’y noierais pour gouter son âme. Sa bouche me ramènerait à la surface de ses lèvres jalouses et je coulerais à nouveau dans sa bouche. Ses bras seraient comme des lianes pour attraper les étoiles, ses mains seraient faites pour les porter à leurs doigts. Elle aurait des jambes comme des fleuves, infinies. Et suivant l’onde de leur tendresse, j’aboutirais à leur delta, à l’origine du monde, au bord de son océan.

Eglantine

Si je t’avais devant moi,
Si t’étais là, vraiment, vraiment là.
J’imagine qu’au début on serait un peu gêné, non ?
Gêné de se voir, de pouvoir de nouveau s’aimer du regard.
Et puis pourquoi pas ? pourquoi, je t’embrasserais pas après avoir caressé ta joue et laissé couler cette larme de mon œil, sur ma joue, ta joue, parce que je te la passerais comme une coccinelle pour faire un souhait, pour que tu gouttes à mes sentiments. Cette perle innocente. C est bon et puis comme une influence… Stone, mon monde tourne à l’envers, c’est trop d’un coup que de te revoir, de t’avoir. Toute entière, j’ose à peine t’imaginer nue sous mes mains, tout juste assez grandes pour t’attraper un sein. Puis ma langue qui s’arrêterait enfin de parler pour jouer avec ton sexe. Enfin te rencontrer, te gouter et puis peut=être même te connaitre. Raconter des histoires, de la romance entre tes lèvres. Ton cœur comme une bombe contre ma poitrine. Sentir ton dieu. Putain de religion ! Aimer ça en toi ! Croire que de nouveau l’amour c’est pas juste hier.
Si je t’avais devant moi, je réinventerais mes goûts pour mieux me comprendre, pour mieux t’aimer. Je te dédicacerais le sexe, prostituerais toutes mes envies contre ton orgasme. Ecouterais ton chant de sirène, crèverais noyé dans ton envie. Et puis, si tu veux bien, je resterais avec toi.

lundi 27 septembre 2010

Kawa sutra

Un bar à café. Et non un café. La nuance est infime et infinie. Haute voltige et morale acceptée. Une ruse faite pour moi, pour tous les coquets de l’égo, pour tous les handicapés du Prozac et du café et visiblement les sou-doués de la mode. Un spaghetti numéro sept aplati pour remuer son sucre. Ecologie de l’idée. Charmant bordel mais putain de décor. Le serveur habillé en gondolier sûrement responsable est sûrement responsable. J’écris à une machine à coudre face à une grande planche en bois, un siège de barbier, les contes de la folie ordinaire, la presse, de la mousse de lait, une immense scie rouillée en Damoclès au dessus d’un couple qui ne m’intéresse pas. Trois rousses pour six brunes. Pas de blondes. Une échelle dessinée au mur, deux grosses, un type de passage, parfum de violette parce que porte de chiotte ouverte. Murs blancs. Pourquoi ? Murs blancs entrecoupés de shémas chimiques, molécules de café et dessins agaçants d’un paresseux déjà fatigué et lampe, lampe qui défie mes adjectifs. Une télé, la belle et la bête, Radiohead, une diarrhée de gens qui passent, qui passent, qui passent dehors, qui peut-être aiment ça mais ne se rendent pas compte qu’ils passent sur du KarmaPolice. I love myself. I love myself. Penser ne me sert à rien aujourd’hui. Une fille qui sourit à son mobile. Encore un lendemain, dans le courant des journées d’hier, dans la traine des souvenirs refantasmés, dans l’espace aussi perdu qu’inventable d’un bar à café. Et putain ! Personne ne ferme sa porte de chiotte ici ?! Porte ouverte sur la paisible défection de tout ce petit monde, au parfum de violette. Poésie noire de l’envie d’avoir envie. Du Johnny maintenant ! Tout va bien ! Merde et soupir marabout flash ! Envolée solitaire et vapeurs de kawa, sexe de femme empalé sur un building, œil téton, sourire nombril. Fureur et minceur. Fille qui me ramène des journaux qui ne sont pas les miens. Baiser. Fille qui s’essuie le con dans cette confinerie violette. Baiser. Fille qui l’attend. Baiser. Et putain de de nouveau de putain de porte ouverte ! Fer à cheval. Bar à café qui ferme à Sept heure. Librairie, onze heure. Dix degrés de tomber pendant la nuit. Pas faim. Même pas la faim d’avoir faim. Soif quand-même. Soif d’une âme naufragée, échouée sur un autre continent. Il faut baiser !

jeudi 23 septembre 2010

Omelette au saumon et nébuleuse d'Oriane

J’aimais son sourire forcé, forcée d’être une serveuse. Coupe garçon et pendantes boucles d’oreilles. Elle fait avouer un peu d’ambigüité dans le goût. Le jour d’après. Je vois bien que pour certains c’est aujourd’hui. S’ils continuent à s’aimer, je vais gerber. Ils sont seuls dans le bar, et puis il y a moi. Et les deux Safo. Etre une femme pour me pardonner ma bêtise d’homme. Pour pouvoir pleurer. J’aime et puis quoi… ? Echapper un peu plus à l’asile. Empaillé, l’animal social. Au comptoir ou sous la pluie. Contre toi ou à côté. Juste avant encore demain. Une hélice qui tourne. Une cigarette pour compter le temps. Une cigarette, le temps qu’une hélice tourne. Des verres suspendus à l’envers. Hasard-branlette et bougie seule. Te disputer mon être. Ne pas te connaître pour mieux t’apprécier. Entouré de soûls. Toi qui parle de toi, ma main dans tes cheveux. Dors soleil d'or!

Ca pour ça
Mourir pour renaître un peu d’espoir phénix. Larme artisanale. Saint Sylvestre dans l’âme. Jouer de l’accordéon avec la vie. Un jeu, un instrument. Lumière et sac à main. Tousser tout ça et comprendre partiellement la moitié d’une chose. Merde. Bière qui plus est. Jazz à nouveau. Bye bye Baby.

Je sais que c’est de la folie
Voir combien de temps je pourrais suivre cette inconnue, me changer et revenir au même endroit.

Vulnérable
Déprécier le temps pour le temps. Les gens vont tellement aux toilettes. Pourquoi je laisserais au hasard quelque chose que je veux être sur ma destinée…Je voulais voir si je pouvais m’offrir de t’offrir un verre pour me rattraper d’hier. Je ne me sentais pas le courage d’affronter cette journée seul et puis je ne voulais pas m’évader, m’effacer dans un film. Alors je t’attends, je bois dans un bar. Au travers des gens…

mercredi 22 septembre 2010

Les roses assassines ou les filles sans colliers

Humeur de bouteille, une fois n’est pas coutume, trimballé entre plusieurs pensées rêve gauche.
Bar obscur et journée pluvieuse, que faire de moi… ? Chaque journée a si bon goût. Un houblon nuageux, aujourd’hui. Une fille, les bras en l’air, les aisselles nues, les cheveux attachés à l’ex-nouvelle mode houpette voyage-voyage. Il est trop vieux. Ca doit être son père… Barman payé pour attendre les clients et me regarder écrire. Les bras croisés. Un piano recouvert. Un piano où j’ai vu jouer Gonzales le fou, Chantale la poète duelliste des cordes et Rosa, l’étudiante japonaise. Vapeurs de lave-vaisselle et bruit de shakers sur de la bossa nova. Mon manteau sur les épaules, mon mini pc sous les doigts et mon vague à l’âme, vague averse, pluie à peine crachin qui vague à mon âme, amère amour solitaire. Tableau noir sous la craie, serviettes et filles sans colliers, roses assassines, chargées de réalité. Belle désillusion pour une fois. Dans quel ordre ? Une vie où tout est neuf. Où tout est différent. Où tout est plus ou moins pareil à ce qu’on espérait. A ce qu’on enviait. Pour soi. Si facilement et puis ces petits sauts d’obstacles. Ces petits choix. Ces petits toi ou toi ou encore toi. Et puis t’es qui toi ? Ton numéro ? Stp ! Une pour tout résoudre ou alors est-ce là que réside le problème que tu pardon je ne veux pas résoudre. Un peu moins se parler et un peu plus s’écouter. M’être vu il y a dix ans et me voir dans dix ans. Regard vide par la fenêtre, revenir à soi et chercher une métaphore, une allégorie à l’à-présent arc-en-ciel sous la pluie. Une terrasse avec des demoiselles. Brune, brune, blonde, ambrée.

Brinqueballer, tanguer et chavirer toujours entre contemplation et impatience. Laisser faire ou agir, provoquer le destin. Mais comment ? Comment ne pas le laisser être ce qu’il est. Ecrire un peu tous les jours et draguer un peu tous les soirs. Avenir de bar en bar. De mots en mots. Elles sont toutes tellement quelque chose que je voudrais goûter une vie entière. Neuf vies de chat pour vivre à fond les accidents de cœur, démon des toits. Un contre bassiste qui s’installe contre un mur à côté d’un piano. Quel instrument ! Mes amis arrivent pour un jazz six à huit. Patte blanche et pelote de laine en do mineur. Hasard à répétition sonores. Destinées embrassées d’une musique et d’un homme accoudé au comptoir. Quoi le jazz et moi ?

jeudi 2 septembre 2010

Aujourd'hui, une seule minute

Aujourd'hui. Tu me manques. Je te connais à peine. Et aujourd'hui, je me languis de toi, du verbe se languir. Aujourd'hui, ce millénaire qui n'est qu'un gamin, joue tout autour de moi et je me sens vieux de ne pas te connaître. Aujourd'hui, une seule minute m'attend. Une seule minute pour me faire grandir. Une seule minute, une sensation, un sentiment, quelque chose en moi qui ne cesse de naître et renaître jusqu'à ce que je ne le laisse plus mourir. Une seule minute pour m'attarder sur ta beauté de femme. Une seule minute pour entendre une voix tendre qui à l' aube de moi-même murmure la ballade du temps. La mélodie de ce qui est, de ce qui reste, de ce petit rien qui nous traverse, nous remplit les poumons et nous laisse. Aujourd'hui, une seule minute passe comme l'éternelle promesse de l'origine que je continue d'oublier. Aujourd'hui, une seule minute, je te vois comme toutes ces minutes qui me manquent pour apprécier le temps.

mercredi 25 août 2010

La mort du papillon

Je remonte ma rue, jusqu’à la place Fernand Coq où à gauche j’emprunte la chaussée d’Ixelles qui descend à pic jusqu’à la place Flagey. La chaussée tout comme la place est truffée de monde, des groupes de badauds discutent aussi bien à la terrasse du Belga que par Terre sur la place, le soleil décline et toute cette petite industrie fêtarde apprécie la rareté d’un temps si doux à Bruxelles. J’entends malgré moi quelques bribes de discussion d’un groupe d’adulescents, quand je traverse la cohue de jeunes et de vieux attablés près d’un bar extérieur improvisé pour l’occasion sous une tante de faux lierre.
Je lui ai proposé d’aller boire un verre cette semaine ?
Et ?
Ben, elle a dit « non ».
Pourquoi ça ?
Ben, je sais pas trop, mais j’ai sûrement dû faire une connerie parce que c’est ce que je fais souvent dans ces cas-là, ...
Très possible. Dit-un autre.
Vous aviez l’air proche pourtant jeudi passé. Ajoute d’un ton tendre une fille en robe jaune et bleu.
Le roi de la galoche !! Lache un autre. Le petit groupe rigole vaguement, en observant la réaction du concerné qui laisse apparaître un sourire acceptatif.
Bon et qu’est-ce tu vas faire ?
Je ralentis légèrement le pas pour connaître la réponse mais tout le petit groupe se met à suggérer des solutions qui tiennent plus du foutage de gueule qu’autre chose, j’abandonne alors la conversation et continue ma route le long des étangs d’Ixelles. Quelle magnifique rue, que des superbes maisons avec une des plus belles vues de Bruxelles.
Je me sens plus à mon aise depuis que j’ai déménagé en ville de pouvoir de nouveau circuler à pied, surtout que ce quartier possède une animation spécialement décontractée, voire romantique avec tous ses saules qui pleurent leurs feuilles dans ces étangs. Un genre d’oie sauvage se prélasse dans cette ombrelle naturelle bien que le soleil soit doux et à l’oblique maintenant. Les autres oiseaux picorent les graines que les gens leurs donnent à moins d’un mètre d’eux. Au milieu de l’étang sur un petit promontoire, un héron cendré, le cou tendu, guette.
En contraste avec la quiétude de l’endroit, un peu plus haut, deux automobilistes se disputent une place d’handicapé. Chacun passant sa tête par la fenêtre, argue sa priorité sur la place, alors que les deux voitures restent bec à bec dans une partie de la place et les culs respectifs des bagnoles dans le chemin des autres usagers de la route. Le ton monte et l’un des deux protagonistes ouvre sa porte et brandit son siège à roulette qu’il entreprend de déplier. L’autre fait pareil et ajuste les roulettes de son véhicule d’infortune, visiblement plus rapide que l’instigateur de la dernière provocation. La scène surprend un tas de personne qui commence à s’agglutiner.
J’avoue, moi-même, être à l’arrêt depuis le premier acte de cette tragi-comédie. Tous deux à présent installés sur leurs chevaux de joute, donnent de grandes poussées dans les roues jusqu’à ce qu’ils arrivent l’un à la hauteur de l’autre, pour donner en spectacle un des combats les plus absurdes qu’il m’ait été donné de voir. Comme la scène dure, j’entreprends de rouler un joint. Je ne fumais plus depuis un temps maintenant mais ça doit être la bohème du quartier qui a pris le dessus sur mes bienveillantes velléités. Bien sûr, c’aurait été trop beau et pas assez belge si l’un des badauds ne s’était pas interposé. Pour moi, après les vagues coups que leurs longueurs de bras permettaient et un magnifique tirage de cheveux, ils allaient sûrement commencer à se mordre… Bref ; c’était déjà pas mal, plutôt divertissant. Mon joint est prêt mais je ne l’allume pas tout de suite.
Je poursuis ma marche du soir vers l’abbaye, mais tourne à droite avant d’entrer dans son domaine pour remonter les jardins du Roy, jusqu’aux ailes de Strebell, sur l’avenue Louise. L’imposante sculpture constituée de deux jets de bois émanant du sol qui s’enlacent à hauteur respectable. Je m’offre alors de m’asseoir dans le creux des ailes de la statue, protégé par leur envergure, pour fumer à mon aise, et embrasser la vue du coucher de soleil dans cette couronne aérienne. Magnifique sensation de légèreté et d’envol !
J’ai appris il n’y a pas si longtemps que Strebell était belge et avait étudié à la Cambre, dans la même classe d’ailleurs qu’Aleschinsky. L’école étant à deux pas, je ne peux m’empêcher d’imaginer le nombre de fois que l’élève dût rêver de magnifier la vue de cet endroit…
Assis, à demi allongé, installé comme on se tiendrait dans une méridienne, j’observe ma pensée s’évader de ma bouche en fumée. Quelques petits ronds… Mes idées s’enchevêtrent dans un filet opaque qui sinue et s’insinue tel un serpent dans l’inconscient collectif au dessus de nos têtes. Une douce quiétude m’envahit.
J’aurais pu, partant de chez moi, emprunter d’autres rues pour me rendre plus vite à mon point de rendez-vous mais ces rues-ci ont le don d’égayer et d’apaiser mon humeur. J’ai l’impression que mon cerveau flotte au sommet de mon crâne. Mon esprit vagabonde.
Et ce petit détour me permet une fois de plus de vérifier une vieille théorie comme quoi les choses qu’on croise sur son chemin se font naturellement échos les unes aux autres… placées dans un ordre d’intelligence qui nous dépasse, dans une sorte de kaléidoscope fou. Elles nous éclairent sur les différents points de vue qu’elles ont les unes sur les autres… Aussi inutiles qu’elles puissent parfois sembler, elles libèrent mon entendement et soulignent la grandeur de l’âme du monde, le faisant voyager à travers les époques et les styles pour me faire faire de petits rapprochements.
Dans le genre, hier soir, je regardai un reportage sur Arté, sur les mogols. Le documentaire exposait la folie des grandeurs des souverains qui firent l’hégémonie de l’empire. Ces immenses bâtisseurs qui construisirent leurs vues du monde. J’appréciai particulièrement le passage consacré au Taj Mahal où le narrateur expliquait qu’après la mort de la princesse Mahal, le roi fou de tristesse entreprît de dresser vers le ciel, sa promesse d’amour éternel, le plus beau mausolée du monde…
Ensuite des archéologues, après de longues fouilles, éclaircissaient la légende qu’un Taj noir existait de l’autre côté du fleuve, destiné à accueillir la sépulture du mari. En fait, il ne s’agissait pas d’un deuxième Taj, mais bien d’un bassin immense et parfaitement dessiné pour faire miroiter dans son reflet l’entièreté du palais et le jardin éclairé par la Lune. Dans sa démesure, le souverain avait gardé une part de poésie, dans laquelle il se faisait l’ombre de sa conjointe. Il avait choisi l’idée de sa mort dans l’élément de vie. La légende de son tombeau de l’autre côté du fleuve n’est qu’une dernière dédicace pour sa muse.
Enfin tout ça pour dire que tout dépend toujours de l’endroit où l’on passe, où l’on se place, du regard qu’on s’offre sur les choses.
Car comme le disait Modigliani, bien avant de peindre les yeux de Jeanne Hébuterne, sa muse : « La beauté est dans les yeux de celui qui la regarde »
Peut-être, était-ce déjà ce que ressentait le roi Mahal lorsqu’il voyait, de l’autre côté du bassin, son propre reflet se fondre et ainsi se recueillir dans les jardins de Shalimar qui signifie « Temple de l’amour ».
J’étais comme assis sur le dos d’un oiseau bleu occupé à contempler le défilé de mes idées quand l’oiseau de bois sembla atterrir pour me déposer un peu embrumé. Je repris alors cette balade, avec un voile devant les yeux que la marijuana dépose devant les yeux de ses courtisans. Les yeux grands ouverts de ne rien voir, rien de ce qui m’entourait, je marchais au milieu de ma procession d’idées.
L’Inde. J’y étais sans la connaître. Je voyais au loin, au milieu d’une désolation superbe, au milieu d’une pauvreté presque digne, au milieu des couleurs qui ne sont pas les nôtres, qui sont les leurs, celles d’un paradis démuni, une fille que je connaissais. Je l’avais embrassé à quelques reprises au début de l’été. Un écho de ce souvenir semblait frétiller entre mes lèvres. Elle m’avait laissé espérer qu’on ressorte ensemble à son retour d’Inde où elle partait pour un peu plus d’un mois. J’avais promis de lui écrire et sans savoir pourquoi je ne l’avais pas fait. Mon manque se comblait dans mon imagination.
Elle portait un sari bleu nuit, en soie de Bombay, on aurait dit une lune venue côtoyer le jour. Elle rayonnait d’une lueur sage qui éclipsait la tristesse, dans laquelle jouaient de nombreux enfants faisant virevolter sa tunique dans des rires innocents. Il y avait des embruns sur ses mains et sous ses yeux. Des yeux d’un bleu océan. Une seule larme aurait suffi à s’y noyer. Elle devait avoir bronzé dans la journée car elle avait un léger hale sur les joues qui faisait apparaître toute une constellation de point de beauté. Le ciel de son visage était serein et harmonieux comme un songe infini que proposaient ses lèvres dans une poésie silencieuse.
Mon âme finit d’halluciner quand j’arrivais à la place Stéphanie où mes amis m’attendaient, après salutations, je leur passais ma roulée d’herbe folle et comme si, de main à main, passait mon imagination, je suivais des mes yeux fatigués les dernières volutes de fumée s’évaporer dans un ultime souffle, comme si j’expirais mon secret. Mais aucun de mes amis n’était assez chaman pour lire la prose de ma fumée.
Nous nous dirigions vers le concert, traversant la foule, nous discutions mais je n’entendais rien de ce qu’il se disait. Le doux voile de la drogue me quittait, s’effaçait, me lâchant de nouveau dans la réalité un peu niaise de sa banalité. Je sentais dans mon ventre l’âtre de mes envies brûler et je me demandais, mon esprit délirant et ma raison se laissant aller à repenser à cette dernière volute si la cheminée est comme le couloir du condamné pour le feu. Et si la fumée était sa dernière vérité ?
Nous y sommes, Mont des Arts, le concert a déjà commencé. Quelle étrange ambiance, exactement ce que j’attendais. Le décor de la scène s’était parfaitement construit sur les jardins du Mont des arts, laissant dans sa toile de fond où était dessinée une chambre d’enfant, par endroits des trous à travers lesquels on pouvait apercevoir la lumière des lampadaires, ces derniers donnant l’impression que plusieurs astres lointains veillaient à l’atmosphère. Sur les planches plusieurs jouets d’enfants à remontée mécanique roulaient dans un bruit calculé autour des musiciens et des deux sœurs. L’une chantait d’une voix nasillarde, grattant de ses doigts graciles une harpe qui pleurait une musique, doucement aquatique et gentiment amoureuse. Poséidon rougissait. L’autre au timbre clair nous ensorcelait d’un chant de sirènes. Derrière, de longues et tendres basses amplifiait l’envoûtement abyssal. On chutait à une allure vertigineuse vers l’enfance. Pas soi, enfin pas complètement, plutôt comme si l’on se regardait rajeunir, à travers nos yeux blasés. Un petit singe rouge mécanique habillé d’un costume frappait les cymbales de notre nostalgie tandis que d’autres jouets de bois participaient au murmure mélancolique d’un rêve éveillé hypnotique.
Je tremblais légèrement d’extase, bercé par la langueur dans laquelle vous laisse la drogue après s’être déployée partout en vous, lorsqu’après que le diable ait fait irruption hors de sa boîte, il balance calmement sur son ressort. Dans cette drôle de phase de compréhension des choses parallèles qui se cachent en vous et tout autour de vous, sans but, comme des caprices nonchalants et sans volontés. Et parce qu’ils n’ont aucune prétention à signifier, ils deviennent désirables, sans que la raison puisse s’y opposer.
Toutes sortes de questions absurdes naissaient des abîmes de mon âme. Je désirais, de plus en plus fou, plonger, en moi-même, vers mon Atlantide. Nager dans ce royaume, où la logique coule et le sens flotte à la surface.
Et voilà que je me décantais, le parfum de toutes ces questions filaient sous mon nez, caressant mon odorat de différentes fragrances, les yeux absorbés par le concert, ce film irréel qui semblait matérialiser ces interrogations sur la vieille bobine de ma rétine par diapositives arrêtées, toutes sous-titrées dans une ancienne typographie allongée sur la droite:
Depuis combien de temps marche-t-on sur l’herbe des morts vers la porte des anges ?
Faut-il décapiter la solitude d’une tête tranchée ?
Quand est-ce que le sang des volcans de la lune tapisse-t-il de sable noir les forêts ?
Verrai-je un jour la fin du monde ? Je n’ai déjà pas vu son début.
Entendrai-je sa musique ?
Le marchand de sable est-il somnambule ?
Est-ce que le sommeil du fou est le miroir de l’homme ?
Combien de temps durera encore ce voyage à dos d’éléphant de porcelaine?
Quel est le but de ce train de nuit ?
Je ne savais quoi faire ni trop quoi répondre à tout ce flou de mots qui surgissait sans prévenir et pourtant semblait m’avoir précédé dans l’existence. Le concert est fini. Les autres s’étaient mélangés à la foule et j’étais seul.
Quelle était cette introspection absurde projetée devant moi ? Et qui étaient ces sorciers de musiciens ?
Et puis comme si la bobine du film avait dérapée, j’eu l’impression d’être à l’entracte, devant une vieille publicité, au décor surfait, à la limite du dessin-animé, où un papillon vint se poser sur un arbre à côté de moi. Il ne bougea pas et comme plus rien ne se passait, je sortis de mon rôle de spectateur pour le toucher. Automatiquement, il chuta dans mes mains, inerte, je crus alors que toute la mise en scène allait s’effondrer et que les spectateurs m’enverraient du pop corn ou leurs boissons… mais non.
Le titre apparût « La mort du papillon » et l’arbre prît les devants, concrétisant le doute que j’avais, en prenant vie dans de vieux dessins grossiers et lentement articulés. Avec une voix destinée aux enfants, sortie d’une bouche dessinée en deux coups de crayon sur le tronc. Il commença à déclamer, tout en mimant de ses deux seuls bras-branches amovibles.
La mort du papillon … Petite tristesse … Douceur devant l’incompris … Effleurer l’instant et le laisser s’envoler … Papillonner avec l’amour …Vivre avec le présent comme l’avant avec l’après…aimer l’absence pour la présence ... Reposer ses ailes… Et enlacer sa vie comme cette petite mort.
Ces paroles prenaient leur temps entre mes oreilles, alors que j’attendais un slogan ou une quelconque accroche vendeuse, habitué et conditionné à ce que si les arbres parlent, ce fût pour vous vendre quelque chose.

Alors je compris.
Peu importe que tout ici bas ne soit qu’illusion, un rêve éveillé, une mise en scène ou un battement d’ailes. Tout cet absurde existait comme une réalité, comme ma réalité adorée à laquelle il manquait bien quelqu’un.
Quand je suis rentré chez moi, je lui écrivis :
Comme si
Comme si j’avais eu les yeux grands ouverts de ne rien voir
Comme si je rêvais le jour à dos d’éléphant de porcelaine
Comme si j’étais un train de nuit en perpétuelle marche,
Comme si j’étais en orbite sur moi-même
Comme si tu ne revenais pas
Comme si le destin s’était moqué de moi
Comme si j’avais été un papillon qui n’avait pas vécu sa seule journée
Comme si je n’avais pas eu le choix
Comme si j’étais fou, innocent, naïf et si peu magicien que pour avoir de tes nouvelles
Comme si je ne pensais pas à toi
Comme si depuis j’étais marchand de sable,
Somnambule ou insomniaque
Occupé à troquer mon grain
Pour voir dans ce miroir inconscient
Autre chose que la solitude d’une tête tranchée
Pour vivre dans ce fou de sommeil
Un songe avec toi.

samedi 21 août 2010

L'odalisque

Je suis l'esclave de la nuit.
Depuis qu'il neige entre nous,
je dors du matin au soir,
j'espère que le vent t'apportera mon
baiser, j'en rêve et prie les cieux,
de te montrer dans la farce des nuages
le visage heureux
que tu ne vois pas s’allumer ni s'éteindre
à force d'y penser,...
croire que ce n'était pas notre dernière dis-
pute charnelle, je suis devenue,
à prostituer mes sentiments,
pour toi, mon inconnu d’une nuit
que je ne connais plus, et pourtant
toujours en moi.

se lit aussi une ligne sur deux

mercredi 4 août 2010

Hagard

« Chacun de nous est une lune avec une face cachée »

- Mais qu’est-ce qu’il m’arrive ?
Il est 4h du matin… Je suis devant la fenêtre de ma chambre, il pleut à grosses bourrasques contre la vitre. Le ciel est obscur, mais je parviens quand même à reconnaître les grands arbres de mon jardin qui se secouent comme des marionnettes dans une danse macabre que le vent orchestre. Mon jardin de campagne est à présent le sombre théâtre du déchaînement des éléments, un immense jeu d’ombres que la Lune, décroissante et très pâle, anime par intermittence avec les nuages. La foudre embrase le ciel... Un, deux, trois, un tambour de tonnerre indique la distance qui nous sépare de l’éclair. Et de nouveau la foudre provoque la nuit, elle passe à côté d’un peuplier comme si elle jouait à attiser mon suspense. Mon front est collé à la vitre, mes mains se refroidissent depuis que j’ai commencé à regarder le spectacle. J’admire la violence du ciel, ici, dans cet habituel havre de paix, qui n’est généralement bercé que par de petites brises innocentes. Je regrette un peu la solidarité de la ville, que j’ai quittée hier pour venir écrire au calme. La ville, toujours animée de choses à faire, dehors comme à l’intérieur, car depuis que je suis arrivé en Ardennes, depuis que le temps s’exclame dehors et que je suis à l’intérieur, je remarque que je ne fais que regarder par les fenêtres.
Il faut dire aussi que la maison est grande, et que curieusement l’esprit seul à du mal à combler ses grands espaces. Ce qui me fait penser à ce film de Stanley Kubrick « Shining » où un écrivain, « comme moi », emmène sa famille dans un immense hôtel pour passer des vacances et sombre dans la folie…Rien que d’y songer, je frissonne. Je me frictionne les muscles pour effacer ce frisson qui me parcourt et allume dans mon cerveau, la peur d’être seul chez moi.
En me frottant énergiquement, un de mes boutons de manchette m’arrache un bout de peau, un filet d’hémoglobine enlace directement mon poignet. Le sang coule, j’essaie d’épargner ma chemise blanche, encore immaculée. C’est chose ratée ! J’ai un instant d’hésitation avant d’entreprendre de me déshabiller ou même de mettre mon poignet sous l’eau du robinet.
Que fais-je habillé dans mon costume de ville ? Un costume que mon grand-père m’a cédé à sa mort, un costume que je n’ai jamais mis, qui est toujours resté dans l’armoire de cette maison. Armoire que je ne me souviens plus d’avoir un jour ouvert. Je retire mon Audemars-Piguet, ma montre squelette qui affiche 4H30, et que le sang allait bientôt chevaucher.
Qu’est ce que cet accoutrement à cette heure-ci de la nuit ? Veston, cravate, chemise de soie, chaussures vernies. Le tout parfaitement à ma taille, ce que j’ignorais avant de l’enfiler. On dirait que je me suis habillé pour mon propre enterrement.
Le tonnerre gronde et les bibelots de mon secrétaire se joignent au vacarme. Je sursaute et une giclée de sang vole de mon poignet sur la mansarde. Un encrier de Chine se renverse sur ma correspondance. Je courre pour y remédier, je passe devant mon lit, tout fait, avec à son chevet mes habits de nuit, pantalon et chemise bras croisés. Je suis penché sur cette folie quand un autre éclair vient illuminer la pièce. Levant les yeux, mon reflet apparaît alors dans un vieux Truffaut suspendu en face de mon lit à baldaquin, je dois d’ailleurs m’accrocher à l’une des poutrelles quand je m’aperçois blafard, dans le miroir, les yeux hagards soulignés de cernes qui traversent mon visage comme des lames. Mes cheveux sont complètement ébouriffés, ma tête, mon visage contrastent tellement avec le reste de mon allure, de mon corps dans ces habits distingués. Je sens que ma vision se trouble, que cette démence du temps dehors est en train d’électriser la pièce où je me trouve. C’est comme si ma tête était une antenne qui capterait cette électricité dehors et la diffuserait à l’intérieur.
Rien de tout ça n’est vrai, la solitude me rend vulnérable, la taille de cette maison me rend fragile et puis l’âge de tout ce mobilier me rend superstitieux. Un dernier grondement semble déchirer la maison, alors que mes yeux s’alourdissent, je chavire, j’entrevois l’encrier de Chine, à la noyade, au milieu d’une marre rouge écarlate. Ma tête pèse d’un coup une tonne de plus à droite, et toute cette supercherie s’écroule sous l’élan de ma tête.


Je suis en chien de fusil, la tête dans mon propre sang, j’ai dû heurter le coin de mon lit, en m’évanouissant. Le plus fantastique, ici, maintenant, c’est ce lit dont nous avons hérité, il y a quelques années, déjà. Une création de Michel Ajar, le grand décorateur, spécialiste dans la rénovation de vieux meubles qu’il retouche avec des cadavres d’animaux. Il était taxidermiste avant de faire fureur, dans les années 70, alors que passait je ne sais plus quel remake de Dracula dont il avait certainement dû s’inspirer tant on dirait le mobilier d’un vampire. L’oncle défunt qui nous a cédé quelques pièces de l’artiste, était un proche du créateur. Je crois qu’ils chassaient ensembles en Afrique, mais j’imagine bien plus tant ils semblaient tous les deux sortis d’un rêve démoniaque d’Edgar Poe. Le lit dans la juste lignée onirique de l’horreur, est en chêne massif, un socle humble d’où partent quatre colonnes torsadées de serpents, entièrement revêtus de la bête, la queue en haut, et la tête ouverte, crocs acérés, à hauteur du genou. Les deux serpents, côté tête, sont rouge foncé ; les deux, côtés pieds, sont verts, un peu brunâtres. Un des deux reptiles verts me regarde de ses yeux de verre, un petit morceau de peau ensanglanté dans la bouche. Je le jurerais assoiffé de mon sang, descendu de l’arbre, et épanché sur moi, faible proie qui me suis perdu dans la jungle de mes pensées.

Je dormis deux heures, d’un sommeil pénible, chaud et humide tel la fièvre. Et pourtant, je n’étais pas malade. Je ne peux dire quel mal m’atteint cette nuit, quelle angoisse s’est emparée de moi, pour qu’à ce point je quitte le port de la raison et dérive entre ces deux rives escarpées : la crainte et la folie. Ou est-ce juste ma barque, qui coula dans la veine noire du cauchemar.
Non, ce n’est pas dans un cauchemar que je me suis noyé, mais bien dans le fantasque de la réalité. Quand la réalité ne respecte pas les limites que l’esprit s’est fixé, quand les petits hasards s’additionnent pour former une inexplicable apparence de folie, il arrive que l’esprit confonde. La raison qui possède un ego supérieur à celui des rois, n’accepte aucune ingérence dans son royaume. Une rébellion contre l’autorité et c’est souvent le massacre qui s’ensuit.

Je me répète plusieurs fois ce raisonnement tandis que le ciel s’émerveille, radieux, et que le soleil redonne confiance aux gens de foi. Je cherche dans la clarté du jour les réponses aux ténébreuses questions de la nuit. Juste à côté de la fenêtre, mon secrétaire est de nouveau en ordre. Je n’ai pourtant pas amené de femme de ménage jusqu’ici. Une sensation de vertige m’étreint et me fait porter ma main à ma tête. Du sang a coagulé à l’ouest de mon front…déjà sec. Mes yeux balayent alors la chambre, du secrétaire bien rangé, à la fenêtre grande ouverte, le petit lavabo, l’immense miroir du 16ième siècle dans lequel je me vois en pyjama, bonnet sur la tête, un peu de sang sur le coin du crâne, entouré de quatre serpents, les deux de devants, dans le reflet de la glace, sont du coup tournés vers moi. C’est comme si j’étais le chef de ce quatuor reptilien, piégé dans le revers de ce miroir, dans je ne sais quel jumeau de la réalité. J’ose à peine me regarder droit dans les yeux. Si je me fixe, si je le fixe, je risque de figer le temps et que ce miroir devienne une peinture, m’enfermant avec lui pour l’éternité.
Je m’efforce de détourner le regard.
Dans le dernier coin de la pièce, à gauche, à un mètre d’une vieille armoire, à moins d’un mètre de l’armoire, un valet, vieux mannequin de bois, porte mes habits de la veille à la perfection, la chemise boutonnée sur son torse légèrement bombé, la cravate bien nouée, le veston par-dessus et un chapeau melon pour couronner le tout. Le veston noir laisse entrevoir une manchette blanche à droite, de l’autre côté une manchette rouge écarlate.
J’ai l’impression de toiser mon assassin dans un seul œil qu’il s’est dessiné sur son visage de bois, avec mon sang.

vendredi 30 juillet 2010

La veste du Gentleman

Dans ma chambre, sur la table de chevet, un faux soleil s’allume. Les murs s’habillent d’aurore rose et bleu. Je ne suis pas là. J’y étais mais je n’y suis plus. C’est comme ça. Mais si ce matin ressemble bien aux autres… Jeanne s’éveille nature. C’est-à-dire sans maquillage. C’est à-mieux-dire moche. Ses yeux ne sont plus cernés de rimmel mystérieux mais seulement de fatigue idiote. Son nez a l’air plus gros. Ce que je n’explique pas. Elle bâille et sa bouche s’ouvre sur le néant de sa cervelle. Elle n’est pas mignonne genre bougonne du matin. Elle n’est même plus bonne de la veille.
Un autre jour se serait éveillé pour moi sur sa vulgarité matinale, si j’avais été là.
Jeanne n’est pas faite pour le jour. Elle est une espèce de nuit. Comme la téquila ! Sel-citron ! La Boum-Boum ! Bouche en feu, lèvres acidulées. Et ton petit cœur fait boum-boum ! Une bombe ! Sexuellement universelle ! Dangereuse à grande portée et consciente d’être programmée pour ça. Ce que j’appelais la J.S.I. (prononciation : la Jessie), Jeanne’s Sexual Intelligence. La J.S.I. mise beaucoup sur le stroboscopiquement belle et l’alcooliquement irrésistible, qui prend évidemment lieu dans les boîtes et les bars. C’est un onanisme public qui se veut soit disant danse électrique. La J.S.I. est au GHB, ce que le 96 est 69. C’est un appel au viol !
Et le fait qu’on sorte ensemble n’y change pas grand-chose. Quelques sutras tout au plus. Dorénavant, je suis complice de ce viol mental, serviteur de cette drogue et acteur de cette comédie noctambule.
Théâtre du Mirano Continental
Acte Un : Elle se laisse peloter par ma personne tout en lançant des regards de glace aux filles et de braises aux mecs. C’étaient ses préliminaires à elle et moi je m’en foutais. Au mieux ça m’excitait. Puis quand j’estimais qu’il était temps d’amorcer la bombe vers une pipe boum-boum dans les toilettes de la boîte. Bouche en feu et lèvres acidulées ! Acte deux : Je relevais son t-shirt trempé au dessus de ses seins nus. Frottant le fer froid et lisse, du bois chaud, une plume ou une pierre plus rugueuse de ses immenses sautoirs contre son ventre, ses seins, ses extrémités roses pointues. Ses tétonnateurs ! Boum-Boum ! Acte trois : Hiroshima et Nagasaki dans sa bouche, mes vénérables testicules ! Du moins leur contenu…
La journée, elle est plus du style mine anti-personnelle. A éviter !
Tous les matins, elle a la gueule du manque. Du manque de quoi ? Bonne question ! Ca dépend de la veille. L’autre jour, je l’ai prise pour une saleté de luciole, elle gigotait dans tous les sens et sa tronche fluoresçait tant elle avait bu de sperme de taureau.
Je n’aurais vraiment pas pu voir ce vieux sac d’alcool se trimballer dans mon appartement aujourd’hui. Pourtant je l’imagine avec délectation.
Je ne suis plus là. Elle s’en aperçoit. Pauvre femme ! Son indépendance glisse de son visage. De l’aigreur pince sa lèvre. Elle est vexée. Son menton s’élève un peu. Elle regarde en direction de la salle de bain. Elle me cherche. Elle est seule. Elle se lève avec disgrâce, portant sa nuit. Elle titube jusqu’à ses pantoufles d’hôtel qu’elle a ramené d’un de ses voyages jusqu’à chez moi, dans ma chambre. Une chienne pissant au pied de mon lit. OHH ! Et là ! Elle tombe sur le mot que je lui ai laissé : « le petit déjeuner est servi en bas ».
Elle enfile son linceul de soie, le noue autour de la taille.
Il y a quatre ou cinq ans quand j’avais acheté l’appartement, j’avais fait dessiné des marches d’escalier qui tenait d’un seul côté du mur. Depuis une semaine quand je vois Jeanne descendre, je ne crois plus en cette architecture. Un mois. Un mois et trois semaines que je sors avec cette créature qui tous les matins s’appesantit sur les marches de l’escalier comme la matérialisation de mon mauvais goût. Une impression d’échec sentimental descend sur la colonne vertébrale de bois de mon appartement jusqu’à moi. Mais le véritable coup dur matinal c’est quand elle pose ses lèvres contre les miennes me donnant le sentiment d’avoir signé pour ce faux plaisir quotidien.
Je ne suis pas mieux qu’elle. Je ne suis pas bien avec elle.
J’ai honte d’elle. Quand je la regarde, je me juge dans ses yeux inexpressifs et l’écouter me narrer la soirée de la veille à laquelle j’étais, m’exaspère. Revivre cette soirée déjà pénible dans la langue sans images de Jeanne, dans sa bouche déjà occupée à ruminer. C’est comment dire ? C’est dur ! Dur de garder son calme. Inconsciente de me couper l’appétit, elle doit être aussi désespérée que moi pour ne pas s’en rendre compte. La journée s’effondre avant même d’avoir commencé. Sa poésie ridicule, son pouvoir désenchanteur, ses pensées sans ambitions, ses allers retours passé-présent, sa façon de me mêler à son inavenir, toute cette gerbe qui coule de sa bouche m’inquiète. Si les pipes me faisaient oublier ses conneries, maintenant même ma bite s’offusque d’avoir partagé la même caverne sans idées. C’est d’ailleurs comme ça que je vois l’intérieur de son crâne, une grotte avec de vieux dessins, schémas primitifs du mode de survie actuel qu’elle applique sans interprétation.
Je crois qu’au début je l’aimais bien. Son côté peuple ne me dérangeait pas, pas plus que sa trivialité. Au contraire, ma cervelle la trouvait fraiche, pas encore pervertie par tous les concepts facétieux de la société. Un peu plus jeune que moi, j’avais l’impression de sortir avec une ado, ou une fille de paysan qui s’amusait et s’émerveillait de tout ce que je lui apprenais. On ne fréquentait pas les mêmes endroits. C’était charmant. On ne connaissait pas les mêmes gens. C’est tant mieux ! Définitivement !
C’est la J.S.I. qui m’a mis dedans. Quand j’ai rencontré Jeanne, elle se pâmait seule sur un podium surplombant la scène de ses seins piriformes et nus. Elle avait des bottes cuir noir à talons, un short en jean et dieu sait où était passé son haut. Elle croisait et décroisait les bras dans un subtil jeu d’éclipse, son cul, pendant ce temps, faisait diversion. Aimanté jusqu’à elle, j’ai fini par mettre quelques doigts dans le creux de son genou et j’ai remonté à l’intérieur de ses cuisses. J’ai répété le mouvement à deux mains en m’installant sur le podium derrière elle. Son cul faisait un huit contre mon bassin alors que j’opérais toujours le même mouvement par devant. Je crois qu’elle savait que j’étais là mais elle ne m’avait pas accordé plus d’attention que celle des hochements de son cul devenant hoquets quand mes doigts frôlaient les bords de son string sous son mini short. Est-ce que mes doigts étaient des entités uniques pour elle ? Ou allait-on s’intéresser à moi ? Je ne savais absolument pas quantifier mon travail jusqu’à ce que tentant toujours plus… Je passais un doigt très léger sur son sexe à travers sa culotte. Disons devant six ou sept-cents personnes. Elle s’est penchée en arrière tout contre moi, les mains aplaties sur son ventre. Elle a posé sa tête sur mon épaule, l’a tourné vers moi, sans que j’arrive à voir son visage. Mais avec une superbe plongée sur ses seins. J’ai passé mon index et le major et l’annulaire sous sa dentelle. J’ai écarté doucement son clitoris avec le premier et le troisième pour ouvrir la voie au major expert en eaux troubles. Elle a ramené ses mains vers ses jolis fruits, en bonne marchande, elle les a comme soupesé. Alors que je jouais une de mes plus belles partitions, concentré, virtuose, elle a coincé chacun de ses tétons très fort entre le pouce et l’index. Apothéose visuelle et orgasme auditif que ce gémissement. J’ai cru un instant que le dj jouait très loin et que tout le monde avait eu le mauvais goût de se recueillir. Les gentils disciples de la musique, du sexe et bien sûr de la MDMA, l’Aphrodite qui les unit. Quoique ça pourrait être pas mal d’autres choses: le rabbin Cocostein, le curé Pilule, L’iman Haschisch, le gourou LSD… et puis toutes ces autres drogues sans religion… Le dos voûté par le plaisir, elle m’a demandé dans l’oreille, ses fesses branlant lentement ma bite : « Papa ? Je peux t’appeler Papa ? » Je me souviens avoir pensé que ce n’était plus une danse éléctro mais une dans d’Electre et m’être trouvé trop intello sur le coup. J’ai dit : « Il est temps d’y aller, chérie. » Je l’ai prise par la main. Elle m’a pris par la bite. On a récupéré son cuir au vestiaire où j’ai croisé mon ex. Elle était désolée de me voir comme ça et j’étais désolé qu’elle soit désolée. Jeanne m’a caressé derrière la couille, j’ai frémis et mon ex a détourné le regard. Je suis parti, ramené chez moi par cette incarnation nocturne de mon désir. Il pleuvait, elle a traversé très vite la large route le long du canal. J’ai couru après. Elle s’est engouffrée dans une ruelle. J’ai hésité à la suivre. Mais déjà son cul m’hypnotisait. Je sentais grandir en moi le flic près à attraper une pute dont personne ne connaissait l’existence. L’excitation de la chasse, la peur de ce quartier, la faim de sexe et la volonté de s’abandonner tuaient en moi. Ma bite indiquait sa direction et je courrais après ma bite. Bizarrement, il n’y avait plus personne, plus une chatte. Une main sur ma bouche me surprit mais trop fine pour me faire peur. Je me retournais vers mon agresseur. L’agression fût celle de mon esprit. Une beauté chienne en cuir ouvert sur des seins mouillés, le bouton du short en jean pas fermé, un genou qui me vient lentement dans l’entre-jambe. On m’adosse contre une bagnole et je me laisse dépuceler le fantasme. Mes mains plongent, ma tête suit. La chienne est devenue louve. Je lèche ses seins trempés et caetera sous la pluie et caetera contre la bagnole.
Depuis ce moment là, je suis devenu addict au J.S.I. et son parfum de grenade.

Un pauvre bol vide, une tasse sans dessous, une cuillère à double effet, du café soluble, de l’eau chaude, des céréales en boîte à côté d’un vase de tulipes l’attendent chaotiques sur la table à manger. Elle s’indigne du manque de préparation, du manque d’estime. C’est mieux que rien ! J’étais pressé. Et puis ce n’est pas tout…
Elle s’assied sur une chaise transparente à une table transparente. Elle se sert de céréales et une clé tombe dans son écuelle. Elle prend la clé entre deux doigts et l’amène jusqu’à cinq centimètres de son visage, genre première fois qu’elle en voit une. Mais je me plais quand même à lui imaginer une petite moue touchée.
Elle abandonne le petit déjeuner et entreprend les différentes serrures qui s’offrent à elle. Elle est encore dans l’expectative de savoir si elle découvrira une surprise qui lui serait destinée ou un quelconque secret qui ne l’était pas. Elle s’agite. Elle est attendrissante de curiosité, nerveuse. Bingo ! L’armoire du vestiaire s’ouvre. Un cadeau d’un volume respectable apparaît de manière évidente. Elle déchire l’emballage, émue. Elle prend par la lanière un sac Louis Vuitton qui plus tard s’avérera être un faux. Il est à son mauvais goût. Elle l’aime bien. Tout le monde est content. Elle réfléchit en petite fille à la raison d’un cadeau, cherchant du côté des anniversaires relationnels. Elle ne trouve rien mais sourit. Elle est jolie à l’idée qu’on lui ait fait une surprise. Elle fouille l’intérieur du sac pour en découvrir l’infrastructure et de nouveau elle tombe sur un mot.
Quelle chance ! Encore un mot !
« Remplis le de tes affaires ! On s’en va ! Le taxi sera là à 9h30 ! »
9h30, elle prend son mobile dans la poche de son survêt, il est déjà 9h. Une demi-heure pour réunir ses affaires et se préparer, c’est peu. C’est très peu ! Challenge accepté !
Elle fonce dans la chambre à l’étage. Une tempête des quelques habits qu’elle avait fait immigrés chez moi sévit dans ma chambre. Elle choisit parmi son maigre choix vestimentaire, un jean et un top blanc, pour aujourd’hui, deux sautoirs de brols d’argent, de bois et de plumes. Elle fourre ses affaires grossièrement dans le sac. Une tenue d’infirmière.
Elle n’est pas plus infirmière que mon petit doigt. C’est ce que j’avais conclu d’une prise de pouls sur mon sexe. Treize, si je me souviens bien. Je n’ai jamais vraiment su ce qu’elle faisait. Mais à une époque précédent mon avènement, elle était promogirl, un genre de mannequin de seconde zone. Elle avait pu garder deux trois tenues, dont une de flic qui ne survécut pas à ma garde-à-vue. En bon bandit, j’avais refusé de montrer mes papiers… Malgré une application de la loi douteuse, un coup de matraque dans ma hanche pour me montrer son dévouement au théâtre et un menotage étonnement professionnel. Il n’y eut aucunes plaintes. Aussi vrai que la matraque fit un double usage et les menottes furent attachées à la mezzanine.
Elle ignore une culotte Victoria secret jugée trop sale. Elle fond sur la salle de bain où déjà habillée, elle ne prend pas de douche. Elle se démaquille, se maquille, se peigne, se toise, se remaquille, se jauge, se coiffe… lunettes de soleil ! Elle enfile sa veste en cuir, retourne devant la glace, parfume sa silhouette. Cinq minutes encore pour faire l’inventaire des produits de beauté à emmener. En fait : besoin de tout. Son téléphone sonne. Elle est excitée à l’idée d’en parler à une copine. C’est le taxi. Elle le prie d’attendre deux minutes et va pisser quelques goutes aux toilettes.
Elle empoigne son sac à mains, son nouveau sac, un foulard et courre jusqu’à ses talons à côté de la porte. Elle a tout, vérifie et revérifie. Elle claque la porte.

Arrivée dans le taxi, elle s’étonne de ne pas me voir. Elle demande au taxi qui lui répond que je l’attends au rendez vous. Elle demande où. Il ne lui répond pas. Elle sort de son sac, son téléphone et elle appelle, à mon avis : Laurie. « Tu ne devineras jamais ce qu’il se passe… et blabla… et je t’avais dit que… mais en fait… blabla… » Elle lui raconte à quel point je suis génial, qu’elle est trop surprise et trop contente, qu’elle s’approche de la gare… « Attends deux secondes, il y a le taxi qui me donne quelque chose… ohhh… c’est un ticket de Thalys pour paris… blabla… et le retour est dans cinq jours… blabla… on ne va pas pouvoir se voir mais promis je te raconterai tout… blabla…moi aussi… bisous… je t’embrasse… je t’adore… d’office… c’est clair… gros kiss… allez ma puce… on se voit bientôt… passe une bonne semaine…blabla… »
Elle raccroche. « C’est déjà réglé ma jolie ! Allez-vous amuser !»
Elle déambule deux secondes dans le grand hall, se fait indiquer les destinations Thalys, courre en zigzag à travers la foule. Ses dessous de bras suent un peu d’impatience Rexonna. Elle arrive au quai quatre, deux minutes avant le départ. Elle grimpe immédiatement dans le train. Elle chipote à ses cheveux. Le contrôleur lui renseigne le bon wagon. Elle traverse un premier wagon plein de gens moyens puis un wagon bon chic bon genre et arrive à nouveau dans un wagon moyen où elle trouve sa place. Je ne suis pas là. Elle tripote une de ses mèches de cheveux.
« Il n’est pas là ! Où est-il ? »
Là c’est à moi ! Je toque à la fenêtre. Elle se retourne subitement et sourit en me voyant. J’ai un complet bleu marine, trois boutons dont j’ai juste fermé celui du milieu. J’ai les cheveux légèrement en pagaille d’avoir aussi dû me presser. Le chemineau siffle et une voix électronique annonce l’imminence du départ. J’allume une cigarette. Elle me regarde hébétée. Je la regarde. Son visage m’interroge à travers la glace. Elle ne sait visiblement pas quoi faire de ses mains. Elle passe ses doigts à l’arrière de sa tignasse et soulève ses cheveux. Les portes se referment. Elle ne comprend pas. Je lui souffle un baiser. Elle comprend. L’énorme machinerie se met en mouvement. Elle crie des mots que la vitre arrête. Je la regarde. Elle tape un petit coup de poing sur la vitre, me fait un doigt d’honneur et me jette ce que je suppose être son regard le plus méchant tirant sur ses rajoutes.
Le train s’en va.
Le plus simplement du monde, le train s’en va. J’essaie de me convaincre que le sexe ce n’est pas tout. Je pense à ma femme qui va bientôt revenir d’une mission humanitaire de deux mois.
Je jette ma cigarette à moitié fumée sur les rails. Je défais le bouton de ma veste et la regarde.
C’est une belle veste de Gentleman.

mardi 27 juillet 2010

Antimatière ou dieu déchu


Big Bang !
Je m’envolais et m’élevais, de plus en plus haut, dans un vertige à la fois ivre d’apaisement et ridicule de je ne saurais dire quoi mais ridicule. Ce qui se confirma dans l’instant d’après où je vis l’univers en contre-plongée, dans un terrible complexe d’infériorité.
Tout ce dont je me souviens, ensuite, c’est d’avoir nagé comme un dingue quand j’ai reconnu la désagréable sensation d’être un spermatozoïde. Je remontais la voie lactée, faisant la course avec des étoiles qui filaient beaucoup plus vite que moi, des stars, tous au moins d’anciens champions de natation. Devant l’immensité féconde, devant l’ovule de la galaxie, du cosmos ou je ne sais quelle conscience plus grande, la ligne d’arrivée, en soi, je me heurtais violement à la défaite d’une porte qu’on vous condamne. Je compris que j’avais été devancé. L’hymen avait été franchi, il y a longtemps. Cette vulve même plus vierge, cette pute de dimension inconnue déjà souillée, cette matrice peut-être même déjà engrossée, qui sait, se refusait à moi.
Pas toi ! Quoi, pas moi ?! On n’aime pas mon style ? Sous prétexte qu’on est un peu différent… Ah, c’est ça, on ne prend que les sportifs ! Désolé de vous le faire remarquer mais c’est tout à fait dépassé comme méthode de sélection. Non, non madame ! Je n’insiste pas du tout, je voudrais juste dire que dans le monde d’aujourd’hui…
Ce n’est pas possible, eh ben très bien, aucun problème.
Juste les habitués ! Vous savez, j’ai déjà…
Casting de merde ! Ovule à la con !
A moins que ce ne soit tout simplement pas la bonne période ? La porte de derrière ? Quelle réincarnation peut-on bien espérer de cette porte là ?
Recalé aux qualifs ! La honte !
L’important, c’est de participer…mon cul !
Mon orgueil d’homme aurait voulu se jeter sur un taxi pour fuir cette bourgeoise. Je n’eus, à vrai dire, que le temps de penser à ce que devenaient les éliminés de la nature, les non sélectionnés au concours de la vie. Les perdants de cette chance, les avortons du néant, les handicapés de l’idée, les idiots, les encore plus crétins de la vacuité, les renégats de rien du tout, les rejetés du vide, les dépressifs du non vécu, toutes ces espèces d’orphelins de l’existence, de mal sevrés, d’abandonnés, de mal aimés ; formats d’une édition à ne jamais paraître.
Presque quelque chose, presque quelqu’un, disons même, faute de savoir comment mieux me définir, j’aspirais à disparaître.
Privé de ma licence de futur fœtus, même pas la mention embryon, je glissais à toute allure sur cette trompe de salope, rebroussant le chemin des âmes. Avec pour seul réconfort de savoir maintenant pourquoi on l’appelle la voie lactée. Goute du désir, pour ma part, non assouvi, triste larme de sperme je dégoulinais lentement le long du vagin de l’histoire. J’eus un premier et dernier incertain priapisme mental dans le couloir du condamné comme si la corde du pendu s’était resserrée d’un cran lorsque descendant à travers le clitoris, j’effleurais son gland, à coup sûr l’âme de cet univers. Son soleil frétilla dans un tremblement cosmique et fît pleurer un dernier rayon de cyprine. J’emportais son sourire béat comme une lampe de poche intérieure contre l’obscurité de la fin. Ensuite, ses lèvres s’ouvrirent légèrement, me propulsant dans un baiser de mort vers la lumière. Une gigantesque chiotte à l’émail blanc presque brillant. Je loupais de peu le sauvetage du papier toilette qui allait servir au monde à essuyer mon passage.
Je finirai donc par faire la connaissance des damnés de la porte arrière.

La chasse me transcenda.

samedi 3 juillet 2010

lundi 21 juin 2010

Icare, moi non plus...


Mon piège, mon excuse,
mon songe, mon mensonge,
mon labyrinthe, mon refuge,
mon corps, ma prison,
mon âme, mon abîme,
mon origine, ma promesse,
mon recul, mon espace,
mon être, mon illusion,
ma vérité, mon écume,
ma solitude, ma vague,
mon sommeil, ma cape,
mon rêve, mon masque,
mon éveil, mon si peu,
mon pourquoi, ma vie,
mes ailes, mon soleil.

Les chiens de traineau


Un joli couple tient les rennes d’un traineau à chiens et glisse idyllique sur la banquise dans l’aurore boréale. Mais mademoiselle donne une mauvaise direction aux chiens qui font tomber l’homme. Les pieds pris dans les cordes, il est trainé dans la neige. Les chiens continuent de courir. La femme essaie de l’aider depuis le traineau sans succès. Il sort alors une cannette de Red Bull de sa veste qu’il ingurgite. Red Bull lui donne des ailes. Il se défait de ses liens. Et se met à survoler les chiens à qui il donne tous une lampée de l’hydromel. Les Chiens aussi se mettent à voler. L’homme reprend sa place à côté de sa dulcinée sur le traineau. Le couple à bord du traineau à chiens vole alors dans les cieux, dans l’aurore boréale magnifique.

dimanche 20 juin 2010

Cache-cache et Crève-crève coeur

Une nuit s’habille de malentendus. Une falaise trébuche dans une flaque d’encre grande comme un océan. Un soleil abandonne, coupe, lui-même, ses fils, et s’effondre en marionnette insensée sur le miroir noir abyssal du ciel. Sa cape flotte à la surface, plaie ouverte en un nuage d’or. Une lune, en retard, ne comprend pas. Une fille, nue comme le vent, secoue la tête. Démente et belle, les seins gelés, le sexe en feu, la bouche ouverte, la figure folle. Le corps qui se plie et se déplie comme un métronome. Les cheveux qui suivent avec un peu plus d’apesanteur. Les yeux qui débordent de l’océan. La lune pleure une larme d’argent. Elle va jouir, le soleil se noie, de travers, la lune sourit.

Ouroboros ou le serpent qui se lèche la queue


Trop de monde ! Beaucoup trop ! Non, tu n’es pas agoraphobe ! Heureusement, les plafonds sont hauts. Une manifestation naturelle, évidente en quelque sorte. On est bien obligé d’être là. Rappelé à l’ordre des éléments. Hasard universel ou destin commun ? On peut s’énerver mais ça ne changera sans doute rien.
On attend. On patiente. On tape du pied. On râle. On essaie de prendre de la distance. Mentalement. Oui. Parce qu’aller faire un tour serait trop risqué. Je ne voudrais pas perdre ma place dans la file d’attente. Ca fait déjà trop longtemps que j’attends. Combien de temps ? J’ai l’impression d’avoir passé toute ma stupide vie dans cette stupide file. Quelle angoisse ! Si au moins on avait tiré un numéro, on pourrait attendre assis. Non au lieu de ça il faut que tout mon corps subisse cette lente agonie. Et cette librairie qui est juste là. Un magazine. N’importe quoi, du moment que ça me distraie de moi-même. Le lire debout, en avançant de temps en temps. Tout ça parce que je n’ose pas demander à la personne derrière moi de me garder ma place. Pourtant là où je vais il faudra bien que je parle anglais. Et voilà ! Je m’étonnais que ce ne soit pas encore arrivé. Un bébé qui pleure. Dans une longue file de merde, il y a toujours un bébé qui pleure. Là, tu peux vraiment chier et il y a de quoi. C’est physique quand un type baille, t’as envie de bailler. Quand un bébé pleure tu souffres et tu chies. Tu chies silencieusement comme tout le monde, en maudissant la pauvre mère qui n’y peut rien. Tu ressasses des conneries de souvenirs factices construits sur ce qu’on t’a raconté de ton enfance. Une crise spectaculaire que t’aurais faite gamin dans un super marché. Voilà ! Avant de chier tu faisais chier. Maigre culpabilité et bébé justice me donnent envie d’aller pisser. Moi, c’est physique, un bébé qui pleure, je souffre et quand je souffre, j’ai souvent remarqué que ma bite avait tendance à s’en mêler. Ajouté à son terrible instinct sa faculté d’analyse lui a valu le surnom de « the profiler ». Nom qui fût longtemps en compétition avec cet autre pseudonyme « the mentalist ».
Enfant, alors que je jouais dans mon bain, je demandai à ma mère, montrant mon zizi : « Maman. Est-ce que c’est mon cerveau ? » Elle répondit : « Pas encore mon chéri ! » Une dizaine d’années plus tard la prédilection s’avérait.
- Can you keep my place in the queue? I have to go to the men’s room.
- No problem.
- Thank you !
Ben voilà ce n’était pas si dur. Je quitte la file. Libéré. Je respire. Je respire la vieille transpiration des gens qui comme moi ont passé quatre jours dans cet aéroport à la con parce qu’un vieux volcan islandais fait une crise de toux. Quatre jours à regarder sur des écrans un nuage noir. Un nuage noir télévisé, une raison fumeuse pour s’arrêter. S’arrêter… Raisonner et fumer.
Je traverse le grand hall plein de panneaux insultants.
Retardé. Retardé. Retardé. Retardé. Retardé. Retardé. Le monde retarde. Je retarde. Tu retardes. Nous retardons… J’arrive à la toilette et pousse la porte.
Evidemment ! Le contraire m’aurait étonné. De la file ! Ca fait plaisir ! Heureusement moins longue. Attention, attention à ce qui va venir, ça éclabousse. Magnifique machine que le cerveau qui au sommet de sa forme nous donne après quatre jours de maturation : « La vie est une file ».
C’est mon tour. Urinoir de gauche. Il y a de quoi être fier de soi. Sur ce je pisse ! Mais d’un côté, je ne peux le nier : ma vie est une file. Allez ! Les bonnes nouvelles s’enchaînent. L’amour est un genre de concours aux milles castings. Heureusement pas télévisés. Quand ce n’est pas moi qui caste, c’est moi qu’on caste. Quand ce n’est pas moi qui casse, c’est moi qu’on … Et on rejoue la même scène, en attendant qu’un des deux casse. Après on va gentiment se remettre dans la file des célibataires éméchés, chemise ouverte. Tu regardes le grand noir Saint-Pierriste d’un paradis superficiel. Tu lui serres la main. Faudra pas être trop mort ce coup-ci et oublier de lui filer un bifton. Le bar est intitulé : « Oubliez tous vos soucis ! ». La file est longue. Une autre file pour un taxi nocturne. Les nuits s’additionnent dans l’inconscient collectif et les jours s’enfilent. C’est quoi ma file ? Qu’est-ce que j’attends ? Je pensais y chercher une réponse pendant quelques heures de vol et voilà que ça se transforme en quatre jours de torture existentielle. Quatre jours, quand je pense à tout ce que j’aurais pu faire. Même si en y réfléchissant bien, je n’aurais sans doute rien fait.
A ce qu’il paraît le dernier nuage du genre a duré un an. Huis clos. 365 jours de représentations. C’est un peu ça l’impression. Rejouer ou regarder se rejouer une scène. Quelle est cette habitude qui nous domine ainsi ? Pourquoi suis-je en escale de moi-même ? Incapable d’arriver. Incapable même de choisir une destination. J’ai cru bon de faire le tour de moi-même, avant de choisir une direction. Comme la Terre, je fais ma révolution, ma rêvelution. Et comme elle, je continue de tourner. Elle suit son train-train quotidien. Jour, soleil. Nuit, lune. Et moi le mien : métro, resto, bistro, disco.
Le type à droite regarde mon pénis. Mais vas-y, je t’en prie. Ce n’est pas comme si on ne se connaissait pas. Je me demande la tête qu’il ferait si j’arrivais à attraper discrètement dans ma poche arrière gauche mes lunettes de soleil et que je les mettais sur mon sexe. Au lieu de ça autre phénomène inévitable : un mec vous regarde la bite, vous regardez la sienne. Moi de même, enchanté. Alors comme ça vous partez en voyage ?
La chasse d’eau automatique se met en marche signe que je prends un petit peu trop de temps. C’est fini. Je reboutonne, direction les lavabos. Le jet d’eau est aussi automatique. Trop court ou moi trop lent, je passe de nouveau mes mains en dessous. Je me regarde dans la glace. Un type derrière moi me regarde dans le miroir. Suis-je en train de créer une autre file ? Le jet d’eau s’arrête et en bon automate je cède la place.
Je me fais peur pour rien en imaginant le scénario suivant : Le panneau indique le chiffre 8 963 427. Je regarde mon ticket. Horreur ! J’ai le numéro 8 963 426. Mon tour est passé. Est-ce possible de rater son tour dans la vie ? Et si oui pourquoi ? Pourquoi ? Pour le plaisir de s’imaginer d’autres vies. Pour donner raison ou tort au destin. Pour le mettre à l’épreuve. J’ai toujours cru que le hasard n’existait pas. Que le hasard n’était autre que la queue du destin. Qu’il suffisait de branler un peu le hasard pour voir son destin jouir.
Qu’Ouroboros, ce vieux serpent gay arrête un peu de se sucer la queue. Que les choses aillent de l’avant et arrêtent leur danse en cercle… La roue tourne ! Tourne, alors !
Je passe devant la librairie sans oser m’arrêter de peur de vexer la personne qui garde ma place. Ca fait déjà un bon bout de temps que je suis parti. Je reprends ma place dans la file. En espérant que cette file soit la queue du destin.
Non pas ça ! Pas maintenant ! Pas Dorothée ! Foutue Pop Kitsch de merde ! Ca fait trois fois en quatre jours que cette chanson revient me hanter. La dernière fois elle a labouré ma tête pendant plus d’une heure avec seulement le refrain. Allo Allo l’ordinateur ? Ne quittez pas, … bureau du bonheur… Allo Allo…. NOOON !!! Avec le clip en prime, la bête tête de l’autre et ce sale piaf d’oiseau bleu qui traverse l’écran toutes les deux secondes. Et pourquoi d’ailleurs ? Hmm. Oui. En fait, oui. Au bureau du bonheur, tous les oiseaux sont bleus parce que ça rime avec heureux. ??? Suffit maintenant ! Nous recherchons vos données.
Et si cette attente c’était celle du bonheur ? Comme dans la chanson ?! Qu’est-ce que cette attente ? Qu’est-ce que cela signifie ? Après tout, c’est vrai ! J’adore postposer ! Comme si au fond c’était l’attente que j’aimais. L’attente où tout peut arriver, tout en étant irréprochable. Attendre son bus. Parce que dans l’attente il n’y a rien à faire d’autre. Parce qu’elle apporte une récompense sans autre effort que celui d’attendre. Attendre ? Et si c’était le contraire ? Qu’attendre avait d’autres fins ? Comme celle de se trouver ? Ma mère disait toujours que pour trouver l’amour, il fallait au préalable s’être trouvé. Et la mode psycho magazine ne jure que par l’amour propre comme unique voie de l’épanouissement. Qui croire ? Dorothée ? Ma mère ? Psychologie ?
Ouvrez la cage qui est en vous et l’oiseau bleu sera de nouveau heureux, amoureux et merveilleux. Elles sont toutes de mèche ! La fractale des rimes niaises le prouve.
C’est long. Très long. J’attends. Qu’est-ce que je pourrais bien faire pour faire avancer ce bordel ? D’ici, je peux voir la tête du guichetier. Je crois que je préfère encore ne pas savoir ce qui m’attend qu’avoir déjà ma place au guichet. De l’autre côté de la file.
Quand je le vois, j’imagine que s’il y a autant de file c’est parce que tout le monde veut lui parler, lui raconter un peu sa vie. Lui connait cette escale éternelle. Donc il doit forcément en savoir beaucoup sur les gens. Vu tous ceux qu’il voit passer. Ca me rappelle un peu le bar où je bossais. Les gens arrivaient frais, sérieux mais le masque tombait avec l’alcool dans leur foie. Ici, les gens sont stressés et parlent avec leurs nerfs. En tout cas, ce n’est pas pour sa belle gueule qu’on fait la file. Je peux voir d’ici qu’il est laid comme un pou. A contrario, vu le défilé, le mec doit être un vrai monstre au speed dating.
Je voudrais savoir quand part le prochain vol pour Montréal. Je pars là-bas pour changer de vie. Ici, je crois que rien ne m’attend. Je crois que c’est à moi de bouger maintenant. Et puis c’est francophone. Et moi j’écris du french. Je ne sais que ça faire. Voyez-vous ? Lentement, doucement, je constate l’écoulement du temps en des mots que j’allonge sur papier. En fait, c’est un peu comme vous, je suis guichetier mais pas pour des gens, pour des mots, des phrases, des idées. Je trie, je redirige, j’envoie bien que la plupart du temps je suis en pause et quand je reviens la moitié des idées se sont fait la malle.
Ah. Alors comme ça le nuage se dirige justement vers le Canada. Ok. Cool ! Et je suis le quatre centième sur liste d’attente du prochain vol. Ok. Cool !
J’ai l’impression d’avoir raté mon tour de speed dating.
Quoi ? Non ?! Il m’a nexté ! Pas lui ! Pas ce plouc ! Et puis merde ! Snobisme à l’envers !
Allons bon ! Cette file-ci et c’est fini. Et c’est fini ! Et c’est fini ?
J’interromps le fil de mes pensées parce qu’une fille me regarde avec insistance depuis tout à l’heure. Je la regarde et elle vient vers moi. Elle me demande de la laisser passer et je la laisse passer. Après tout, je ne suis pas si pressé.