lundi 21 juin 2010

Icare, moi non plus...


Mon piège, mon excuse,
mon songe, mon mensonge,
mon labyrinthe, mon refuge,
mon corps, ma prison,
mon âme, mon abîme,
mon origine, ma promesse,
mon recul, mon espace,
mon être, mon illusion,
ma vérité, mon écume,
ma solitude, ma vague,
mon sommeil, ma cape,
mon rêve, mon masque,
mon éveil, mon si peu,
mon pourquoi, ma vie,
mes ailes, mon soleil.

Les chiens de traineau


Un joli couple tient les rennes d’un traineau à chiens et glisse idyllique sur la banquise dans l’aurore boréale. Mais mademoiselle donne une mauvaise direction aux chiens qui font tomber l’homme. Les pieds pris dans les cordes, il est trainé dans la neige. Les chiens continuent de courir. La femme essaie de l’aider depuis le traineau sans succès. Il sort alors une cannette de Red Bull de sa veste qu’il ingurgite. Red Bull lui donne des ailes. Il se défait de ses liens. Et se met à survoler les chiens à qui il donne tous une lampée de l’hydromel. Les Chiens aussi se mettent à voler. L’homme reprend sa place à côté de sa dulcinée sur le traineau. Le couple à bord du traineau à chiens vole alors dans les cieux, dans l’aurore boréale magnifique.

dimanche 20 juin 2010

Cache-cache et Crève-crève coeur

Une nuit s’habille de malentendus. Une falaise trébuche dans une flaque d’encre grande comme un océan. Un soleil abandonne, coupe, lui-même, ses fils, et s’effondre en marionnette insensée sur le miroir noir abyssal du ciel. Sa cape flotte à la surface, plaie ouverte en un nuage d’or. Une lune, en retard, ne comprend pas. Une fille, nue comme le vent, secoue la tête. Démente et belle, les seins gelés, le sexe en feu, la bouche ouverte, la figure folle. Le corps qui se plie et se déplie comme un métronome. Les cheveux qui suivent avec un peu plus d’apesanteur. Les yeux qui débordent de l’océan. La lune pleure une larme d’argent. Elle va jouir, le soleil se noie, de travers, la lune sourit.

Ouroboros ou le serpent qui se lèche la queue


Trop de monde ! Beaucoup trop ! Non, tu n’es pas agoraphobe ! Heureusement, les plafonds sont hauts. Une manifestation naturelle, évidente en quelque sorte. On est bien obligé d’être là. Rappelé à l’ordre des éléments. Hasard universel ou destin commun ? On peut s’énerver mais ça ne changera sans doute rien.
On attend. On patiente. On tape du pied. On râle. On essaie de prendre de la distance. Mentalement. Oui. Parce qu’aller faire un tour serait trop risqué. Je ne voudrais pas perdre ma place dans la file d’attente. Ca fait déjà trop longtemps que j’attends. Combien de temps ? J’ai l’impression d’avoir passé toute ma stupide vie dans cette stupide file. Quelle angoisse ! Si au moins on avait tiré un numéro, on pourrait attendre assis. Non au lieu de ça il faut que tout mon corps subisse cette lente agonie. Et cette librairie qui est juste là. Un magazine. N’importe quoi, du moment que ça me distraie de moi-même. Le lire debout, en avançant de temps en temps. Tout ça parce que je n’ose pas demander à la personne derrière moi de me garder ma place. Pourtant là où je vais il faudra bien que je parle anglais. Et voilà ! Je m’étonnais que ce ne soit pas encore arrivé. Un bébé qui pleure. Dans une longue file de merde, il y a toujours un bébé qui pleure. Là, tu peux vraiment chier et il y a de quoi. C’est physique quand un type baille, t’as envie de bailler. Quand un bébé pleure tu souffres et tu chies. Tu chies silencieusement comme tout le monde, en maudissant la pauvre mère qui n’y peut rien. Tu ressasses des conneries de souvenirs factices construits sur ce qu’on t’a raconté de ton enfance. Une crise spectaculaire que t’aurais faite gamin dans un super marché. Voilà ! Avant de chier tu faisais chier. Maigre culpabilité et bébé justice me donnent envie d’aller pisser. Moi, c’est physique, un bébé qui pleure, je souffre et quand je souffre, j’ai souvent remarqué que ma bite avait tendance à s’en mêler. Ajouté à son terrible instinct sa faculté d’analyse lui a valu le surnom de « the profiler ». Nom qui fût longtemps en compétition avec cet autre pseudonyme « the mentalist ».
Enfant, alors que je jouais dans mon bain, je demandai à ma mère, montrant mon zizi : « Maman. Est-ce que c’est mon cerveau ? » Elle répondit : « Pas encore mon chéri ! » Une dizaine d’années plus tard la prédilection s’avérait.
- Can you keep my place in the queue? I have to go to the men’s room.
- No problem.
- Thank you !
Ben voilà ce n’était pas si dur. Je quitte la file. Libéré. Je respire. Je respire la vieille transpiration des gens qui comme moi ont passé quatre jours dans cet aéroport à la con parce qu’un vieux volcan islandais fait une crise de toux. Quatre jours à regarder sur des écrans un nuage noir. Un nuage noir télévisé, une raison fumeuse pour s’arrêter. S’arrêter… Raisonner et fumer.
Je traverse le grand hall plein de panneaux insultants.
Retardé. Retardé. Retardé. Retardé. Retardé. Retardé. Le monde retarde. Je retarde. Tu retardes. Nous retardons… J’arrive à la toilette et pousse la porte.
Evidemment ! Le contraire m’aurait étonné. De la file ! Ca fait plaisir ! Heureusement moins longue. Attention, attention à ce qui va venir, ça éclabousse. Magnifique machine que le cerveau qui au sommet de sa forme nous donne après quatre jours de maturation : « La vie est une file ».
C’est mon tour. Urinoir de gauche. Il y a de quoi être fier de soi. Sur ce je pisse ! Mais d’un côté, je ne peux le nier : ma vie est une file. Allez ! Les bonnes nouvelles s’enchaînent. L’amour est un genre de concours aux milles castings. Heureusement pas télévisés. Quand ce n’est pas moi qui caste, c’est moi qu’on caste. Quand ce n’est pas moi qui casse, c’est moi qu’on … Et on rejoue la même scène, en attendant qu’un des deux casse. Après on va gentiment se remettre dans la file des célibataires éméchés, chemise ouverte. Tu regardes le grand noir Saint-Pierriste d’un paradis superficiel. Tu lui serres la main. Faudra pas être trop mort ce coup-ci et oublier de lui filer un bifton. Le bar est intitulé : « Oubliez tous vos soucis ! ». La file est longue. Une autre file pour un taxi nocturne. Les nuits s’additionnent dans l’inconscient collectif et les jours s’enfilent. C’est quoi ma file ? Qu’est-ce que j’attends ? Je pensais y chercher une réponse pendant quelques heures de vol et voilà que ça se transforme en quatre jours de torture existentielle. Quatre jours, quand je pense à tout ce que j’aurais pu faire. Même si en y réfléchissant bien, je n’aurais sans doute rien fait.
A ce qu’il paraît le dernier nuage du genre a duré un an. Huis clos. 365 jours de représentations. C’est un peu ça l’impression. Rejouer ou regarder se rejouer une scène. Quelle est cette habitude qui nous domine ainsi ? Pourquoi suis-je en escale de moi-même ? Incapable d’arriver. Incapable même de choisir une destination. J’ai cru bon de faire le tour de moi-même, avant de choisir une direction. Comme la Terre, je fais ma révolution, ma rêvelution. Et comme elle, je continue de tourner. Elle suit son train-train quotidien. Jour, soleil. Nuit, lune. Et moi le mien : métro, resto, bistro, disco.
Le type à droite regarde mon pénis. Mais vas-y, je t’en prie. Ce n’est pas comme si on ne se connaissait pas. Je me demande la tête qu’il ferait si j’arrivais à attraper discrètement dans ma poche arrière gauche mes lunettes de soleil et que je les mettais sur mon sexe. Au lieu de ça autre phénomène inévitable : un mec vous regarde la bite, vous regardez la sienne. Moi de même, enchanté. Alors comme ça vous partez en voyage ?
La chasse d’eau automatique se met en marche signe que je prends un petit peu trop de temps. C’est fini. Je reboutonne, direction les lavabos. Le jet d’eau est aussi automatique. Trop court ou moi trop lent, je passe de nouveau mes mains en dessous. Je me regarde dans la glace. Un type derrière moi me regarde dans le miroir. Suis-je en train de créer une autre file ? Le jet d’eau s’arrête et en bon automate je cède la place.
Je me fais peur pour rien en imaginant le scénario suivant : Le panneau indique le chiffre 8 963 427. Je regarde mon ticket. Horreur ! J’ai le numéro 8 963 426. Mon tour est passé. Est-ce possible de rater son tour dans la vie ? Et si oui pourquoi ? Pourquoi ? Pour le plaisir de s’imaginer d’autres vies. Pour donner raison ou tort au destin. Pour le mettre à l’épreuve. J’ai toujours cru que le hasard n’existait pas. Que le hasard n’était autre que la queue du destin. Qu’il suffisait de branler un peu le hasard pour voir son destin jouir.
Qu’Ouroboros, ce vieux serpent gay arrête un peu de se sucer la queue. Que les choses aillent de l’avant et arrêtent leur danse en cercle… La roue tourne ! Tourne, alors !
Je passe devant la librairie sans oser m’arrêter de peur de vexer la personne qui garde ma place. Ca fait déjà un bon bout de temps que je suis parti. Je reprends ma place dans la file. En espérant que cette file soit la queue du destin.
Non pas ça ! Pas maintenant ! Pas Dorothée ! Foutue Pop Kitsch de merde ! Ca fait trois fois en quatre jours que cette chanson revient me hanter. La dernière fois elle a labouré ma tête pendant plus d’une heure avec seulement le refrain. Allo Allo l’ordinateur ? Ne quittez pas, … bureau du bonheur… Allo Allo…. NOOON !!! Avec le clip en prime, la bête tête de l’autre et ce sale piaf d’oiseau bleu qui traverse l’écran toutes les deux secondes. Et pourquoi d’ailleurs ? Hmm. Oui. En fait, oui. Au bureau du bonheur, tous les oiseaux sont bleus parce que ça rime avec heureux. ??? Suffit maintenant ! Nous recherchons vos données.
Et si cette attente c’était celle du bonheur ? Comme dans la chanson ?! Qu’est-ce que cette attente ? Qu’est-ce que cela signifie ? Après tout, c’est vrai ! J’adore postposer ! Comme si au fond c’était l’attente que j’aimais. L’attente où tout peut arriver, tout en étant irréprochable. Attendre son bus. Parce que dans l’attente il n’y a rien à faire d’autre. Parce qu’elle apporte une récompense sans autre effort que celui d’attendre. Attendre ? Et si c’était le contraire ? Qu’attendre avait d’autres fins ? Comme celle de se trouver ? Ma mère disait toujours que pour trouver l’amour, il fallait au préalable s’être trouvé. Et la mode psycho magazine ne jure que par l’amour propre comme unique voie de l’épanouissement. Qui croire ? Dorothée ? Ma mère ? Psychologie ?
Ouvrez la cage qui est en vous et l’oiseau bleu sera de nouveau heureux, amoureux et merveilleux. Elles sont toutes de mèche ! La fractale des rimes niaises le prouve.
C’est long. Très long. J’attends. Qu’est-ce que je pourrais bien faire pour faire avancer ce bordel ? D’ici, je peux voir la tête du guichetier. Je crois que je préfère encore ne pas savoir ce qui m’attend qu’avoir déjà ma place au guichet. De l’autre côté de la file.
Quand je le vois, j’imagine que s’il y a autant de file c’est parce que tout le monde veut lui parler, lui raconter un peu sa vie. Lui connait cette escale éternelle. Donc il doit forcément en savoir beaucoup sur les gens. Vu tous ceux qu’il voit passer. Ca me rappelle un peu le bar où je bossais. Les gens arrivaient frais, sérieux mais le masque tombait avec l’alcool dans leur foie. Ici, les gens sont stressés et parlent avec leurs nerfs. En tout cas, ce n’est pas pour sa belle gueule qu’on fait la file. Je peux voir d’ici qu’il est laid comme un pou. A contrario, vu le défilé, le mec doit être un vrai monstre au speed dating.
Je voudrais savoir quand part le prochain vol pour Montréal. Je pars là-bas pour changer de vie. Ici, je crois que rien ne m’attend. Je crois que c’est à moi de bouger maintenant. Et puis c’est francophone. Et moi j’écris du french. Je ne sais que ça faire. Voyez-vous ? Lentement, doucement, je constate l’écoulement du temps en des mots que j’allonge sur papier. En fait, c’est un peu comme vous, je suis guichetier mais pas pour des gens, pour des mots, des phrases, des idées. Je trie, je redirige, j’envoie bien que la plupart du temps je suis en pause et quand je reviens la moitié des idées se sont fait la malle.
Ah. Alors comme ça le nuage se dirige justement vers le Canada. Ok. Cool ! Et je suis le quatre centième sur liste d’attente du prochain vol. Ok. Cool !
J’ai l’impression d’avoir raté mon tour de speed dating.
Quoi ? Non ?! Il m’a nexté ! Pas lui ! Pas ce plouc ! Et puis merde ! Snobisme à l’envers !
Allons bon ! Cette file-ci et c’est fini. Et c’est fini ! Et c’est fini ?
J’interromps le fil de mes pensées parce qu’une fille me regarde avec insistance depuis tout à l’heure. Je la regarde et elle vient vers moi. Elle me demande de la laisser passer et je la laisse passer. Après tout, je ne suis pas si pressé.